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tradition savent bien ce qui pourrait les régulariser. Il y a beau temps qu’on l’a dit : la première condition pour faire accepter l’adoucissement d’une peine, c’est la certitude qu’elle soit administrée promptement, de manière à prévenir toute impunité, même temporaire. La seconde est la certitude que la peine sera prise au sérieux par les condamnés et par les gens encore honnêtes, de manière à provoquer, chez les premiers un remords, chez les seconds une crainte, également, quoique diversement salutaires. On peut bien dire, — car c’est la vérité, — que la société n’est pas chargée de refaire lame des délinquans : mais il est évident aussi que ce serait une duperie de prendre des gens déjà dangereux et de les rendre, à son propre détriment, plus dangereux encore. Or, il est incontestable que ni la première, ni la seconde de ces deux certitudes si désirables ne sont en voie de se consolider dans les esprits.

Que les chances d’impunité soient diminuées, comment le penser devant l’augmentation signalée du nombre des affaires classées par impossibilité de découvrir l’auteur du crime ? Qu’on l’explique comme on voudra, qu’on cherche, qu’on imagine, qu’on trouve même pour la police contemporaine des excuses plus ou moins valables, peu importe ! Le fait est là, il est général, il est continu, et il est trop commenté pour ne pas inquiéter les populations. Compter d’autre part sur les remords spontanés de ceux qui ont failli et sur les examens de conscience de ceux qui inclinent vers la chute, c’est à quoi l’affaiblissement de l’obéissance aux principes de la morale traditionnelle ne dispose guère la masse du pays. Partout enfin on répète dans les mêmes termes, — et plutôt avec un peu d’exagération, — que toute maison de correction est une maison de corruption, qu’un homme qui a été en prison est un homme fini, que le bagne est par excellence le lieu des pires turpitudes et des infamies contre nature ; et c’est par ces causes mêmes qu’on s’explique l’élévation du nombre et de la proportion des récidives.

Un instant, il fut à la mode de répéter dans certains milieux : « La prison, c’est la peine du passé. » C’était un mot : la prison ne peut être la peine du passé seul que si on a de quoi la remplacer dans l’avenir. Or, la discussion de plus d’un projet de législation pénale nous a déjà montré qu’il y a là quelques difficultés, et que, par exemple, la pénalité par l’amende se présente surtout, de nos jours, comme un instrument de