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a quelque chose d’un peu étrange à entendre critiquer le principe de l’hérédité par ce représentant d’une grande race qui, malgré son rare et incontestable mérite, ne serait peut-être pas arrivé si rapidement à la haute situation qu’il occupe, — il a trente-trois ans, — s’il n’avait bénéficié de ce principe, au moins à ses débuts. Son discours, assez sarcastique, contient aussi quelques personnalités, mais sans dépasser la limite de la bonne compagnie. M. Winston Churchill termine par une péroraison éloquente où il fait appel aux souvenirs de Birmingham dans le passé. Il rappelle la part que ses habitans ont prise à la grande réforme électorale de 1832, et une manifestation monstre qu’ils avaient organisée dans une plaine voisine de la ville, et qui, par sa solennité, contribua assurément à imposer le Bill de réforme aux Lords. Il les adjure de se montrer fidèles à ces grands souvenirs.

A peine s’est-il assis au milieu des applaudissemens qu’il est obligé de se relever. Dans une grande salle, située dans les sous-sols du bâtiment, se tient en effet en ce moment une autre réunion, ce qu’on appelle : an owerflow meeting, c’est-à-dire une réunion composée de ceux qui n’ont pas pu pénétrer dans la salle d’en haut. Nous nous y rendons, car nous y sommes attendus : nous, c’est-à-dire M. Winston Churchill, sa femme, sa belle-mère… et moi, car je suis invité à les suivre, et je finis par m’imaginer que j’ai l’honneur d’appartenir à la famille Churchill. L’aspect de l’assistance est beaucoup plus populaire. Tout le monde est debout : le chapeau ou plutôt la casquette sur la tête. Pas de plate-forme, ni de place privilégiée ; trois ou quatre chaises sur une estrade en planches, assez grossière, et c’est tout. M. Winston Churchill recommence, en d’autres termes, son réquisitoire d’en haut contre la Chambre des Lords, avec un peu plus d’âpreté peut-être. Chose singulière ! je constate tout de suite (et lui-même me confirme plus tard dans cette impression) que cet auditoire démocratique lui est moins entièrement favorable que celui des bourgeois d’en haut. Il n’y a guère que la moitié ou tout au plus les deux tiers qui manifestent pour lui. Les autres l’écoutent en silence, mais sans se livrer à des manifestations grossières comme les radicaux de Brixton contre le duc de Norfolk. Après avoir parlé plus d’une heure en haut, il parle encore près de trois quarts d’heure en bas, sans que sa voix ou son geste faiblissent un instant. C’est un vrai tempérament