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certaine audace à venir planter ainsi le drapeau du Free Trade dans une ville complètement acquise aux principes de la protection. Tous les sept députés de Birmingham sont en effet Unionistes. Mais quatre sièges leur sont cependant disputés par des Libéraux, et, bien que tout le monde soit d’accord que ces derniers n’ont aucune chance, cependant M. Winston Churchill, qui était avant-hier en Ecosse, où il se présente, — hier il jouait au golf, — qui sera demain je ne sais où, toujours parlant, a cru de son devoir de venir les soutenir, il a compté sans doute que cette audace même produirait quelque effet. Le pluck n’est pas ce qui fait défaut au descendant de Marlborough qui volontiers « s’en va-t-en guerre, » au fils de lord Randolph et de la belle et célèbre lady Randolph, aujourd’hui Mrs Cornwallis West. En sera-t-il récompensé ? L’événement le dira.

Je débarque donc à Birmingham. Je ne sais si c’est parce que l’annonce du meeting où M. Winston Churchill doit prendre la parole a attiré beaucoup de monde, mais l’hôtel qu’on m’avait indiqué est plein, et je suis obligé de me loger en face. A peine débarqué, je reçois une très aimable invitation à dîner. Je m’y rends avec empressement, et j’ai le plaisir de dîner non seulement avec Mr Winston Churchill, mais avec sa femme qui l’accompagne partout, sa belle-mère, venue tout exprès et son beau-frère, un jeune officier de marine, « qui est conservateur, me dit en riant Mrs Winston Churchill et qui va peut-être poser des questions embarrassantes à mon mari. » On me dit que le candidat unioniste est un cousin germain de Mrs Churchill et, en sortant pour nous rendre au meeting, nous le rencontrons dans l’escalier.

La réunion a lieu assez loin ; nous nous y rendons en moto car. A peine suis-je arrivé qu’on me conduit dans la salle où la réunion doit avoir lieu. On m’a ménagé, avec beaucoup de bonne grâce, un petit coin sur la plate-forme déjà bondée de monde, où je serai placé de façon à voir à la fois l’auditoire et la figure de l’orateur dont les assistans de la plate-forme ne voient au contraire que le dos. Mon entrée par un petit couloir donne lieu à une singulière méprise qui, heureusement, ne dure qu’un instant. On me prend pour M. Winston Churchill. L’orgue joue, on commence à applaudir. Heureusement l’agent qui me conduit fait un signe de la main qui arrête l’orgue, sans quoi j’aurais fait une assez sotte figure. Je regarde la salle. Nous sommes