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Naples de débaptiser les localités ou les monumens pour les accommoder au régime nouveau ; convient-il au présent, s’il aspire lui-même à durer, d’effacer les traces du passé ?

« J’ai vu avec peine que tu avais changé le nom de la Tour de l’Annonciade (Torre de l’Annunziata) pour celui de Joachim. Il me semble, mon ami, qu’on doit avoir un certain respect pour toutes les inscriptions anciennes et que c’est un avertissement aux générations suivantes à laisser subsister celles que le roi régnant a fait faire, et qu’il ne faut pas imiter les peuples destructeurs qui ne respectent rien du pays qu’ils ont conquis et qui donnent un nouvel exemple de destruction. Je vois que dans ce moment on improuve beaucoup l’Empereur qui a fait effacer toutes les lettres qui se trouvaient sur le Louvre et partout pour y faire mettre deux N. Il aurait été plus grand d’y laisser les traces des autres dynasties afin de donner un grand exemple du respect qu’on doit aux anciens monumens. C’est l’avis de tout le monde ; je te donne aussi le mien par le grand intérêt que je te porte. »

Ainsi, tout doucement la Reine se remettait à raisonner son mari, à le sermonner, à dire son mot sur les affaires du royaume, sur les mesures à prendre, sur les décisions à éviter. De loin, elle entendait faire sentir indirectement son autorité à Naples, en attendant d’y pourvoir de plus près à la sûreté du royaume.

Toutes ses lettres expriment alors l’ardent désir de retourner à Naples et de se rapprocher des siens. De fait, il paraît bien qu’à ce moment les membres de la famille impériale, les rois, les princes conviés aux cérémonies du mariage, se sentent excédés de représentation et de contrainte, las de ce permanent service d’honneur, terriblement las ; tous aspirent au repos, à la détente, et ne demandent qu’à rentrer chez eux. Mais Napoléon n’admet pas un instant que, jusqu’à l’achèvement de la période nuptiale, la famille se disperse et cesse de lui former cortège. Jérôme et la reine de Westphalie se sont vu refuser tout net la permission de partir. Pour avoir demandé d’aller aux eaux, l’étourdie Paulette s’est fait vertement tancer. Comme les autres, Caroline doit rester à son poste de figuration et de parade.

Il est vrai que l’Empereur ne l’emmène pas lorsqu’en mai il conduit Marie-Louise en voyage de noces à travers les départemens belges, avec retour par la Normandie, mais elle doit au