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solennités, une apothéose continue : le 31 mars, mariage civil à Saint-Cloud ; le 1er avril, entrée solennelle dans Paris en passant sous l’Arc de Triomphe, figuré en sa forme future ; l’arrivée aux Tuileries, le défilé des Majestés et des Altesses dans la grande galerie du Louvre où Caroline est dispensée de porter, ainsi que les autres reines, la traîne de l’Impératrice ; le mariage religieux dans le Salon Carré ; puis, avant le banquet impérial, le défilé des troupes qui saluent le couple souverain placé au balcon des Tuileries, et qui acclament leur empereur, leur dieu, dans une furie d’enthousiasme.

Napoléon se retire ensuite à Saint-Cloud avec l’Impératrice, dans un isolement à deux ; mais, dès le 5 avril, on retourne à Compiègne, où les solennités reprennent. Toutes les personnes admises à la Cour sont appelées, par séries, à venir rendre hommage à l’Impératrice, à paraître aux grands cercles, aux concerts. L’affluence est prodigieuse, l’encombrement tel que plusieurs invités, faute de trouver logement en ville, doivent coucher dans leur voiture[1].

A Compiègne, l’Empereur excessivement occupé de sa femme et ne semblant plus voir qu’elle au monde, altier envers le reste de l’humanité, ne se montre guère accessible à ses proches. Murat cependant voudrait le voir et lui parler, traiter des questions pendantes, aborder les difficultés, dire ce qu’il a sur le cœur. Cette audience particulière qu’il sollicite, on la lui fait attendre ; il l’obtient finalement, et dès les premiers mots les griefs s’opposent, le différend se marque, le débat s’irrite. Murat revient peut-être sur le mariage autrichien et sur les conséquences à en déduire au détriment de ses propres intérêts. L’Empereur s’emporte terriblement, traite Murat en indiscipliné, en rebelle, et menace de lui faire couper la tête. Puis, comme il arrive souvent après ces explosions violentes, l’Empereur se radoucit. Murat obtient l’autorisation de préparer une expédition contre la Sicile, ce qui est un gage des intentions de son beau-frère ; il obtient de garder à son service des soldats français attirés dans son armée contre le gré de l’Empereur, et la scène finit en une apparence de raccommodement. Néanmoins, sous l’injure des paroles brutales qui lui ont été assénées, quelque chose en Murat s’est définitivement brisé. Le coup est porté, la

  1. Frédéric Masson, l’Impératrice Marie-Louise, p. 227.