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centaines de mètres, atteint la côte, s’il est en présence d’une eau libre, il se désagrège en blocs flottans que les courans marins emportent. Si au contraire le glacier se déverse sur une mer gelée, ses blocs chargent la banquise et sont incorporés au pack.


Il y a beaucoup d’autres observations capitales pour la connaissance du globe et qui seraient à faire aux pôles, à la condition que l’on puisse y stationner suffisamment longtemps. Nous ne prétendons pas les citer toutes. Nous sommes même certains d’oublier ici les principales d’entre elles. Mais nous pouvons mentionner, par exemple, la vérification directe du coefficient d’aplatissement, tant de fois controversé.

On sait, en effet, que la sphère terrestre n’est pas ronde, et qu’elle est aplatie aux deux pôles. On a commencé à s’en douter, en France, déjà sous Louis XIV, en constatant que les différens arcs méridiens ayant un degré d’amplitude ne sont pas égaux sur un même méridien, selon qu’on s’approche ou qu’on s’éloigne de l’équateur. On en a conclu, par un raisonnement mathématique très simple, que la terre était aplatie aux pôles. Mais, par un autre raisonnement mathématique tout aussi simple et tout aussi rigoureux, d’autres savans ont conclu que la Terre était surélevée aux pôles. D’où est résultée une querelle célèbre dans le monde des académiciens.

El les combattans n’étaient, pas les premiers venus : Newton et Huyghens d’un côté, Cassini et Mairan de l’autre. Aussi les savans se partagèrent-ils en deux camps également convaincus et acharnés, les Newtoniens ou aplatisseurs et les Cassiniens. La lutte dura longtemps.

Enfin, en 1835, pour trancher la question, l’Académie délégua trois de ses membres, La Condamine, Bouguer et Godin, qu’elle chargea d’aller mesurer un arc de méridien au Pérou, près de l’équateur, et, l’année suivante, elle en désigna quatre autres, Maupertuis, Clairaut, Camus et Le Monnier, pour aller faire la même opération en Laponie, le plus près possible du Pôle. La combinaison de ces deux mesures donna raison aux aplatisseurs et fournit, comme valeur de l’aplatissement, 1/319. La combinaison de la mesure du Pérou avec la mesure de l’arc français donna 1/307. L’infaillible génie de Newton avait pressenti la vérité.