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pour ceux qu’intéresse le problème de la possession politique du Pôle, cette route américaine est un chenal marin qui se trouve au Nord-Est du Nouveau Continent, entre le Groenland, qui appartient au Danemark, et l’archipel, vaste et très découpé, qui constitue, jusqu’à des limites encore inconnues, le prolongement des territoires de la baie d’Hudson. Ces territoires entourant la baie d’Hudson appartiennent maintenant à l’Angleterre, c’est-à-dire au Dominion du Canada. Nous ne pouvons faire ici l’historique des expéditions polaires poussées au Nord de l’Amérique, pas plus que de celles qui ont pris pour base l’extrême Nord de l’Europe ou1 le Nord de l’Asie. Elles ont été nombreuses. Nous rappellerons seulement qu’après les expéditions réitérées tentées par les Anglais, depuis 1825, soit à la découverte du fameux passage du Nord-Ouest, pouvant faire communiquer les navires de l’océan Atlantique avec le détroit de Behring, soit à la recherche de l’amiral Franklin, disparu dans les glaces, le docteur Kane, prenant une nouvelle route, avec le navire l’Advance, partit des Etats-Unis le 30 mars 1853, pénétra vers le Nord, parle détroit de Davis, puis suivit la même direction, c’est-à-dire celle du Nord-Ouest par rapport au Labrador, jusqu’au fond de la mer de Baffin. A l’extrémité de cette mer, fréquentée jusque-là surtout par des baleiniers et que l’on croyait être une impasse, puisqu’on lui donnait souvent le nom de baie de Baffin, il découvrit, au-delà du détroit de Smith, un passage qui conduisait droit au Nord. Après l’avoir franchi, il se trouva dans un assez vaste bassin d’eau libre qu’il crut être le bassin du Pôle, et, de retour en Amérique, il formula sa théorie d’une mer polaire libre de glaces. Cette théorie pouvait, du reste, se corroborer par la considération que le pôle du froid ne coïncide pas avec le Pôle Nord. Il se trouve bien plutôt dans le voisinage du pôle magnétique, au moins pour ce qui concerne le côté américain de la sphère. Un autre pôle du froid existe, dans l’océan Arctique, au Nord de la Sibérie. Kane avait atteint 78°41’.

D’autres expéditions reprises par le docteur Kane lui-même, puis par ses continuateurs, pendant les années suivantes, montrèrent que le bassin, appelé d’abord Mer polaire de Kane, ne s’étendait pas jusqu’au Pôle. En mars 1854, un autre Américain, le docteur Hayes, atteignit 79°43’ et découvrit la terre de Grinnell. Il reconnut que la mer de Kane était un bassin fermé, relativement peu étendu, prolongé vers le Nord par un autre