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l’intérieur du globe pour aller former les sources. Là fut le point de départ de ces fameuses cartes de Mercator figurant le Pôle et dans lesquelles on voyait la mer se précipiter à l’intérieur du globe terrestre par quatre embouchures.

C’est la même hypothèse qui fut reprise au commencement du siècle dernier par l’écrivain visionnaire Edgar Poë, qui la développa dans son roman d’Arthur Gordon Pym . L’incertitude où l’on était de la terminaison septentrionale des grands courans marins, tels que le Gulf-Stream, les légendes relatives au Maëlstrom, et d’autres circonstances encore, donnèrent une apparence de possibilité à cette hypothèse d’un gouffre polaire.

Hypothèse fantastique, dira-t-on. Rêverie de romancier. Peut-être. Mais, qu’en savait-on hier ? Et même, qu’en sait-on, au juste, aujourd’hui ? Ni Peary ni Cook n’ont vu le gouffre polaire. Est-ce une raison suffisante pour déclarer qu’il n’existe pas ? Nullement : étant donné la profondeur de la mer au Pôle, profondeur qui dépasse 3 000 mètres, lors même qu’il existerait un trou au fond, rien n’en révélerait l’existence à la surface. Il n’y aurait que des courans de fond.

Et cet étrange grondement que Peary a entendu constamment lorsqu’il était près du Pôle, et qu’il a attribué, avec raison probablement, au bruit des glaces brisées indéfiniment répercuté, ce bruit que l’on peut attribuer aussi au frottement de la mer contre la surface inférieure de la banquise, ou à la vibration des glaces, peut être dû en partie au mugissement sourd d’une cataracte profonde. C’est peu probable. Mais il serait encore prématuré d’affirmer absolument le contraire.


A côté de la théorie de ce trou polaire permanent et que l’on peut appeler hydrographique, établissant une communication permanente entre les eaux des mers et l’intérieur de la Terre, il en est une autre, moins plausible et qui a été moins durable, mais que l’on peut aussi mentionner en passant. C’est celle d’un trou temporaire ayant un rôle éruptif.

Certains géographes ont remarqué que les continens et les îles étaient répartis à la surface du globe terrestre comme si, à un moment donné, un trou s’étant formé au Pôle Nord, une partie de la masse liquide ou pâteuse contenue à l’intérieur de