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à Argenteuil ; à gagner de là Pontoise, puis Amiens. Je lui donnai une lettre pour M. Dauphin, maire de cette dernière ville, aujourd’hui sénateur et beau-frère de mon vieil ami Obry. Debock, en suivant cet itinéraire, parvint heureusement à gagner la frontière.

La pièce, timbrée de la Commune, que m’avaient remise les citoyens Debock et Alavoine, ne nous fut pas inutile. La nuit même, qui suivit la visite de ces deux délégués, un officier, commandant un assez grand nombre de soldats fédérés, tenta de forcer l’entrée des Archives. Ils furent courageusement repoussés par le concierge, aidé de plusieurs garçons de bureau ; fort de l’ordre que j’avais reçu, notre commis d’ordre M. Delasaussois leur enjoignit de se retirer. Mais la position des Archives convenait aux fédérés pour leur défense et, le lendemain matin, ils renouvelèrent leur tentative. J’étais alors dans la cour, et j’opposai à l’officier fédéré, qui s’était fait ouvrir la porte et qui était accompagné de ses hommes, l’ordre en question dont je lui donnai lecture. Il parut y ajouter peu de foi et me répondit : « Mais, nous avons des ordres contraires ! » Toutefois, la vue du personnel armé qui m’environnait produisit son effet ; il se retira avec ses hommes et on lui referma la porte au nez.

Ces deux tentatives des insurgés pour pénétrer dans les Archives ne se renouvelèrent pas. Cependant, cette nuit même du mardi 23 au mercredi 24 mai, le feu s’était tellement rapproché de nous, qu’on était exposé dans nos cours à recevoir des projectiles, et que déjà divers habitans des Archives, notamment les femmes, avaient dû passer la nuit dans les caves ; c’étaient des alertes continuelles, car, malgré notre réclusion, quelques nouvelles plus ou moins vagues nous étaient apportées du dehors.


Paris, 28 mai (dimanche) 1871. — Nous sommes enfin délivrés de cette horrible Commune. Jeudi 23 mai, à 4 heures de l’après-midi, les troupes entraient aux Archives, où je n’avais pas arboré le drapeau rouge et où j’avais maintenu le drapeau tricolore jusqu’au 21, malgré les menaces du Comité de Salut public contre les partisans du gouvernement de Versailles. Nous avons été bombardés le mardi, le mercredi et le jeudi matin. On a dû coucher dans les caves et les rez-de-chaussée abrités. Le mardi