Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/390

Cette page a été validée par deux contributeurs.

reconnus que la pièce émanait simplement de la Direction de l’Imprimerie nationale et, par conséquent, du citoyen Debock lui-même. Les incendiaires s’étaient présentés, avec du pétrole, pour mettre le feu à l’Imprimerie nationale et Debock avait eu grand’peine, aidé de son personnel, à détourner ces enragés de leur projet, qui aurait eu pour conséquence d’enlever le pain à 7 ou 800 ouvriers. C’est après cela qu’il était venu me trouver, sachant très bien que, vu la contiguïté des Archives, l’incendie de l’une se communiquerait aux autres. Voilà ce qui résulte des conversations que j’ai eues, après les événemens, avec les citoyens Debock et Alavoine.

Ces deux individus se sont, en effet, cachés plusieurs mois dans Paris, dépistant les recherches de la police. Alavoine m’envoya d’abord sa femme et son beau-père, compositeur comme lui à l’Imprimerie nationale, afin de me sonder et de savoir s’il pouvait compter sur mon appui. Je ne suis pas un homme à dénoncer autrui, surtout pour des faits politiques, et, quoique je condamnasse de toutes mes forces l’insurrection de la Commune, je regardai comme un devoir d’aider, dans le malheur, des hommes qui avaient contribué au salut des Archives et à mon salut propre. Je fis donc savoir à M. Alavoine que je le recevrais ; je lui donnai une lettre pour M. Carro, imprimeur à Meaux, et lui indiquai les moyens de s’y rendre sous un faux nom. Alavoine put, de la sorte, sortir de Paris, travailler quelque temps chez Carro, et ne quitta Meaux qu’après avoir été reconnu par un de ses anciens camarades. Il revint alors à Paris, où il était fort exposé ; je le revis et lui donnai de nouveaux conseils sur la manière de passer la frontière. Peu de temps après, il se rendit à Genève, où son beau-père le rejoignit, et reprit sa profession de typographe.

Le service que je lui avais rendu engagea son collègue Debock, qui, lui aussi, avait réussi, pendant plusieurs mois, à dépister la police, à venir me trouver. Il me fut amené par un rédacteur du Siècle, M. Richardet, ex-représentant de la Nièvre, et que je ne connaissais pas. Il ne me fut pas difficile de faire comprendre à M. Debock qu’il y avait pour lui grand danger à demeurer dans Paris où il serait infailliblement arrêté, et lui indiquai la route la plus sûre pour sortir de la capitale. Debock, qui était d’origine belge, voulait se rendre à Bruxelles ; mais, craignant d’être reconnu au chemin de fer du Nord, il était fort perplexe sur la route à suivre. Je l’engageai à se rendre