Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/388

Cette page a été validée par deux contributeurs.

primerie nationale ; il venait, disait-il, me remettre un ordre du Comité de Salut public, m’autorisant, en qualité de directeur des Archives nationales, à repousser toute tentative, qui pourrait être faite pour incendier ou détruire nos bâtimens. Je pris le papier, qui portait le timbre de la direction de l’Imprimerie nationale (sous la Commune bien entendu) et, comme je ne l’examinai point avec une scrupuleuse attention, ignorant la forme et la teneur des actes du Comité de Salut public, je m’imaginais que cette pièce en émanait en effet. Je m’étonnais de l’existence d’un tel ordre, qui révélait chez les fédérés l’intention de brûler les établissemens publics, car ces incendies ne pouvaient en rien servir à leur défense.

J’interrogeai le citoyen Debock pour savoir d’où pouvaient venir ces dangers d’incendie ; il évita de s’expliquer catégoriquement et me dit que l’ordre apporté était à la fois dans l’intérêt de l’Imprimerie nationale, à la tête de laquelle il était placé, et de l’établissement que je dirigeais. Je le remerciai de l’attention qu’il avait eue de me remettre lui-même cette pièce et il m’exprima le désir que je lui en délivrasse un reçu nominatif. Je ne fis aucune difficulté de satisfaire à ce désir. Tandis que je le rédigeais, à la pâle clarté du jour, prêt à s’éteindre, le bruit de la canonnade allait se rapprochant, Debock regarda d’un air inquiet son compagnon, qui semblait plus résolu que lui. « Ce sont nos batteries, repartit ce dernier ; leur tir vient de ce côté, je crois. » En effet, quelques fragmens d’obus étaient tombés dans la cour et plusieurs de nos gardes nationaux levaient les yeux, pour reconnaître la direction des obus. Je remis le reçu aux deux délégués supposés du Comité de Salut public, qui se retirèrent en me faisant un salut militaire.

Cette visite avait excité la curiosité de plusieurs habitans des Archives, qui furent émus à la nouvelle que ces délégués étaient venus nous fournir les moyens de repousser les incendiaires. Le bruit courait, en effet, que le Ministère des Finances était en feu ; le langage tenu par le citoyen Debock donnait à penser que c’étaient des hommes de la Commune qui avaient prescrit ou dirigé ces incendies. La plupart de nos garçons de bureau s’armèrent, sur mon conseil, afin de prêter main-forte, au besoin, à nos gardes nationaux et de repousser les malintentionnés qui tenteraient de pénétrer dans nos bâtimens pour y mettre le feu.