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les juges des dépositions franchement pathologiques, qui peuvent exercer une influence très fâcheuse sur la conviction des magistrats. Un grand nombre de persécutés processifs, de ces psychopathes, mis sur la scène par Aristophane dans ses Guêpes, par Racine dans ses Plaideurs, etc., de sujets atteints du délire des quérulans, ne comparaissent d’ailleurs, comme accusés ou comme plaignans, devant la justice, qu’en vertu de leur constitution psychopathique, et à cause d’une maladie mentale méconnue de tous, sauf des aliénistes.

Parmi les innombrables variétés de faux témoignages d’origine pathologique, il faut accorder une mention spéciale aux aveux morbides, aux auto-accusations et aux auto-hétéro-accusations.

Dans un rapport sur les Auto-accusateurs au Congrès de Grenoble, en 1902, j’ai montré, après M. Régis, que l’aveu pathologique d’un crime concerne, le plus souvent, dans les deux tiers des cas environ, un crime inexistant ; et, dans d’autres cas, un crime réel, mais non imputable à l’auto-dénonciateur ; parfois même un crime imputable à l’auto-dénonciateur, mais grossi, exagéré et avoué sans sollicitation extérieure, sous l’influence d’un remords légitime, mais d’origine pathologique.

L’auto-dénonciation pathologique est fréquente, surtout chez les alcooliques ; elle est alors le fait d’un délire hallucinatoire dramatique, dans lequel le malade s’improvise le héros d’un meurtre dont la conviction s’impose à lui, sous forme d’une idée postonirique, c’est-à-dire survivant au rêve, après la guérison du délire actif qui l’a fait naître.

Dans d’autres cas, l’auto-dénonciation est le fait de mélancoliques ou d’hystériques, victimes également de convictions morbides d’origine hallucinatoire et délirante. Enfin j’ai déjà indiqué l’auto-accusation par vanité ou par suggestion chez les débiles.

On connaît le rôle dramatique joué par les auto-accusations pathologiques, dans les procès de sorcellerie du moyen âge, au cours desquels d’innombrables malades payèrent de leur vie les sabbats et les orgies démoniaques dont elles s’accusèrent, sous l’influence de leurs convictions délirantes, d’origine mélancolique, toxique, hystérique, vésanique, etc.

L’auto-hétérodénonciation, que j’ai décrite chez certaines mythomanes malignes et vaniteuses, est l’aveu dans lequel