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Le témoignage des psychopathes intoxiqués (alcooliques, morphinomanes, etc.) est faussé par des troubles psychosensoriels, des erreurs de mémoire, des altérations des sentimens, l’obnubilation ou l’affaiblissement de l’intelligence ou de la moralité.

Le témoignage des Démens est altéré surtout par les lacunes de la mémoire, par l’interprétation fausse et hostile de ces erreurs de la mémoire, et aussi par les troubles de l’attention et de la conscience, par l’apathie et l’indifférence, par l’abaissement général du sens critique. Sans entrer dans l’étude des altérations du témoignage chez les démens, il faut signaler ici le danger particulier que présentent, au point de vue du témoignage, les démens peu avancés, les sujets atteints, comme tant de paralytiques généraux au début, d’un simple affaiblissement psychique, que rien ne décèle encore dans leur attitude, leur langage et l’ensemble de leurs réactions extérieures.

Il existe enfin une variété de démence, dite presbyophrénique, presque spéciale aux femmes âgées, qui affecte les rapports les plus étroits avec les troubles psychiques des polynévrites alcooliques, et dont les symptômes principaux sont, avec la conservation relative du jugement, la perte de la mémoire, les fausses reconnaissances et la fabulation. Ces malades, qui ne se rappellent rien de leur passé récent, inventent toutes sortes d’histoires imaginaires, qu’ils débitent à leur interlocuteur sur le ton de la plus parfaite et de la plus sincère conviction ; ils affirment avec bonne foi et énergie reconnaître des gens qu’en réalité ils n’ont jamais vus, etc. On conçoit quels dangers peuvent présenter, au point de vue du témoignage, les assertions de tels malades, lorsque la démence, encore au début, laisse au témoin toutes les apparences de la santé psychique.

Le témoignage des Délirans est faussé, soit par les troubles de la perception (illusions et hallucinations) ou de l’imagination, soit par les interprétations morbides et les erreurs du jugement, soit par les idées délirantes, — surtout les idées de persécution, de dépossession, d’auto-accusation, etc.

Beaucoup de ces aliénés systématiques, qui ont conservé toute leur activité mentale, — surtout ceux qui ne présentent pas d’hallucinations, les fous lucides et raisonnans, atteints de psychoses interprétatives, — donnent au public et aux magistrats l’illusion d’une parfaite santé mentale, et font cependant devant