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sujets prévenus d’avance du témoignage qu’on leur demandera, ou, au contraire, sur des sujets non prévenus, c’est-à-dire placés dans les conditions naturelles de la vie et du témoignage judiciaire.

Tandis que, dans le premier cas, où, sur des témoins prévenus, l’attention est à son maximum, le coefficient de fidélité oscille entre 80 et 90 pour 100, dans le second cas, sur des témoins non prévenus, ce coefficient ne dépasse guère 60 pour 100, et s’abaisse le plus souvent à 30 ou 20 pour 100.

Il existe aussi, dans les conditions du témoignage peu étudiées par les psychologues, un facteur dont l’observation clinique permet de mesurer l’importance, c’est l’émotion, dont on connaît l’action dissolvante sur la synthèse mentale et l’influence perturbatrice sur l’ensemble de l’activité psychique. M. Janet a judicieusement insisté sur la dissociation des souvenirs par l’émotion. Celle-ci nuit à la fidélité du témoignage, en troublant l’observation des faits, et parfois aussi en troublant la déposition, si le témoin est ému au moment où il la fait.

Le témoignage augmente, en général, de valeur avec l’âge du témoin. Chez les enfans, l’étendue de la déposition est souvent considérable, et l’assurance du témoin imperturbable. Ces deux caractères sont multipliés par l’interrogatoire et les dépositions successives, à cause de l’extrême suggestibilité de l’enfant. La fidélité, au contraire, est au minimum, et les dépositions presque constamment erronées. La suggestibilité, extrême de cinq à douze ans, diminue avec l’âge. C’est elle surtout qui, par l’intervention de la suggestion étrangère, altère le témoignage de l’enfant en justice. Le témoignage des garçons est plus fidèle que celui des fillettes. Le témoignage des hommes est moins étendu et moins assuré, mais plus fidèle que celui des femmes.

Il faut indiquer ici l’influence nocive exercée sur les témoins, dans les procès criminels, par les suggestions de la presse. Celle-ci, par ses comptes rendus, ses commentaires et ses illustrations, introduit dans l’esprit des futurs témoins des élémens inexacts, qui peuvent troubler et déformer leurs souvenirs et fausser leurs dépositions.

Le témoignage, enfin, est éducable par l’exercice. Les essais d’entraînement expérimental, institués par Mlle Borst, ont démontré la perfectibilité des qualités du témoignage chez les sujets, à la suite des exercices.