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Il n’existe, en général, aucun parallélisme dans l’étendue, la fidélité et l’assurance du témoignage.

L’étendue et la fidélité du témoignage diminuent proportionnellement à l’ancienneté de l’observation. L’influence du temps sur l’altération des souvenirs est telle, qu’on peut calculer environ une augmentation régulière des erreurs de 0, 33 p. 100 par jour. (Expériences de M. Stern.)

Les erreurs sont beaucoup plus nombreuses dans l’interrogatoire que dans le récit spontané.

L’interrogatoire, en effet, augmente l’étendue et diminue la fidélité de la déposition. Dans la déposition spontanée, le dixième, tandis que, dans l’interrogatoire, le quart des réponses est erroné. Dans l’interrogatoire, les questions à caractère suggestif diminuent encore la fidélité des réponses.

Dans la clinique courante, l’interrogatoire des malades par le médecin est une des sources les plus fréquentes de l’altération du témoignage par la suggestion. La plus grande partie des symptômes de l’hystérie a ainsi été créée par les médecins, au cours de leurs recherches sur les malades ; et l’on peut dire que l’hystérie est sortie, armée de toutes pièces, du cerveau non pas des malades, mais des médecins ; elle apparaît, dans son histoire, son évolution et sa systématisation, comme un produit extrêmement instructif de l’interpsychologie de malade à malade, de médecin à malade, et de médecin à médecin. Le plus souvent, dans l’interrogatoire, la question, par sa forme, appelle la réponse ; l’enquête clinique suggère le symptôme, et le sujet émet, par affirmation ou négation, consciemment ou inconsciemment, des témoignages qui ne reposent que sur le vice de la question chez le médecin et la suggestibilité chez le malade. La critique moderne de l’hystérie, entreprise sur l’initiative si judicieuse et si féconde de Babinski, a démontré que l’édifice de la maladie était en partie l’œuvre de la suggestion réciproque, dans l’interrogatoire, des médecins et des malades.

La conclusion est que la valeur d’une réponse dépend de la forme de la question qui l’a provoquée. La réponse et la question forment, dans un système indivisible, un véritable couple, dont les élémens se commandent réciproquement.

L’assurance sincère du témoin ne garantit en rien la valeur du témoignage. Le bon témoin sait douter. Les bons esprits sont moins affirmatifs que les autres. L’ensemble des données