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mettant en jeu que l’activité psychique spontanée, éclaire l’individualité personnelle du témoin. L’interrogatoire permet d’étudier l’influence de la suggestion exercée sur le témoin par les questions, et met en lumière le rôle, dans la déposition, de ce que M. Binet a appelé « la mémoire forcée, » c’est-à-dire l’alternative dans laquelle certaines questions placent le sujet, invité à se prononcer dans tel ou tel sens, de choisir entre deux affirmations.

La méthode mixte, qui combine le récit spontané et l’interrogatoire, est celle des procédés de l’instruction judiciaire, et présente, à ce titre, comme le fait avec raison observer M. Larguier des Bancels, un grand intérêt pratique.

Les dépositions successives du même témoin sur les mêmes faits permettent d’étudier l’influence du témoignage sur la mémoire, le mécanisme de consolidation des souvenirs, et, pour ainsi dire, les progrès, dans tel ou tel sens, de la cristallisation du témoignage. Les dépositions successives sont, en réalité, la règle dans les affaires pénales, où les intéressés témoignent à plusieurs reprises devant les officiers de police, dans le cabinet de l’Instruction et devant le Tribunal. L’étude de ces dépositions successives a permis de montrer qu’elles entraînaient la consolidation des souvenirs erronés aussi bien que des souvenirs exacts, et la déformation progressive du témoignage par les dépositions ultérieures ; celles-ci substituent, dans la conviction du témoin, leur contenu erroné aux souvenirs exacts de la première déposition.

L’étude de la forme des questions, dans l’interrogatoire, instituée par MM. Binet et Stem, montre l’influence sur le témoignage des diverses modalités de la suggestion, impliquées dans le ton, l’accent, la tournure, etc. des questions posées au témoin.

L’application de la méthode expérimentale permet ainsi d’apprécier, par l’étude statistique des résultats recueillis, les qualités du témoignage, et les variations de celles-ci, dans leurs rapports avec les conditions de l’expérience.


On peut reconnaître pratiquement au témoignage deux ordres de qualités, les qualités subjectives et les qualités objectives.

Les qualités subjectives du témoignage sont : l’étendue, la fidélité, l’assurance.

À ces trois qualités, j’en ajouterai une quatrième : l’originalité.