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conclusions judiciaires et médico-légales qui s’en dégagent, comme une moralité naturelle. Ces conclusions nous apparaîtront ainsi comme les élémens, pour ainsi dire professionnels, de la philosophie de l’esprit chez ceux qui recherchent la vérité pour éclairer la justice.


I

Le témoignage est la relation, orale ou écrite, spontanée ou provoquée, par un sujet appelé témoin, de ce qu’il a observé. Le témoignage judiciaire est la déposition de la personne qui atteste en justice avoir vu ou entendu une chose. Ce témoignage, dont les codes de procédure civile et d’instruction criminelle ont établi les conditions et réglé les formalités, est sanctionné, dans sa moralité générale, par une échelle de pénalités rigoureuses, qu’édicté la loi contre les auteurs ou les inspirateurs de faux témoignages. Le témoignage, en effet, représente l’élément le plus important de la formation de l’opinion et du jugement des magistrats, et la preuve testimoniale suffit, en matière pénale, pour former la conviction du tribunal. Aussi bien doit-on considérer l’étude du témoignage comme une des parties les plus importantes de la psychologie judiciaire.

Le témoignage est la résultante d’une série d’opérations psychiques complexes, où entrent en jeu successivement : la perception, considérée surtout dans ses rapports avec la conscience et l’attention ; la mémoire dans toutes ses qualités de fixation, de conservation, et de reproduction ; l’imagination, principalement dans ses facultés créatrices, et dans ses rapports avec l’activité mythique, normale et pathologique, de l’esprit, c’est-à-dire avec la tendance plus ou moins consciente et volontaire à l’altération de la vérité, au mensonge et à la fabulation.

Toutes ces opérations, qui entrent en jeu dans la psychologie du témoignage, à l’état normal, chez un sujet sain d’esprit et sincère d’intention, sont compliquées, dans d’autres conditions et chez les sujets anormaux, par l’intervention d’innombrables élémens psychopathiques, qui relèvent principalement d’altérations de la perception, de la mémoire, de l’imagination, du jugement et enfin des sentimens.

Mais, même dans les conditions ordinaires de la vie, et, comme l’on dit, à l’état normal, le plus simple des témoignages