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qu’il m’ait été possible de vous écrire par lui. Aujourd’hui, quoique j’aie une conférence dont je vous envoie officiellement le protocole, je vous écris quelques mots pour vous dire que je suis charmé du point où nous sommes arrivés. Ce n’est point encore un dénouement définitif, mais cela y ressemble fort ! et le prince Léopold sera installé à Bruxelles avant l’ouverture de nos Chambres, ce qui était ma grande affaire parce que c’est ce qui devra vous mettre le plus à l’aise et vous être le plus commode. J’ai envoyé au département la copie de la réponse que me fait le prince Léopold et la lettre de cette nuit qui était une espèce de protestation ; tout cela est bon à garder, mais doit être secret

Je suis très fatigué des dernières conférences qui ont duré beaucoup d’heures et de jour et de nuit, tout cela avec la fièvre et un gros rhume ; mais de l’air et un peu d’oubli des Belges fera disparaître toutes ces petites contrariétés-là.


5 octobre.

Mon cher général, — Les débats sur le bill ne finiront probablement que demain jeudi. Toutes les passions sont en mouvement : on croit cependant aujourd’hui qu’on se rapproche un peu. Cela se disait ce matin au lever du Roi : pour mes yeux, cela n’était pas sensible. Je vous conjure, dans votre intérêt et dans celui de la France, de ne pas mettre d’entrave à la conclusion du traité quelconque qui établira la séparation de la Belgique avec la Hollande, de manière que la Belgique puisse véritablement être un pays riche, neutre et commercial. Les garanties données sont plus que suffisantes contre les inondations. Songez bien que, quelque traité que vous eussiez fait, il aurait été blâmé en France et que, s’il eût été trop évidemment partial pour la Belgique, il n’eût pas été accepté par le roi de Hollande, — et alors ! les suites devenaient incalculables.

La paix vous convient, convient à tout le monde et vous donnera une force inattendue et prodigieuse. Vous n’en avez encore essayé que d’une manière provisoire ; il est temps pour toutes choses et pour tout le monde de l’enraciner.

Par la disposition de mon esprit, je suis porté à douter ; mais dans cette question-ci je me crois sûr : et mon attachement pour le Roi, mon amitié pour vous ne me font pas servir légèrement de ce mot.