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fournirait des chances de succès ; mais je suis convaincu que la guerre sortirait inévitablement de la proposition faite aujourd’hui de la réunion de la Belgique à la France.

L’esprit qui anime les membres de la Conférence, et surtout le ministère anglais, nous est en ce moment extrêmement favorable ; mais je puis vous affirmer, mon cher général, sans craindre de m’abuser, que si l’on nous supposait d’autres intentions que celles que j’ai dû exprimer jusqu’à présent, notre situation vis-à-vis de tous les Cabinets de l’Europe, y compris même l’Angleterre, changerait à notre désavantage.

Je vous supplie donc de réfléchir mûrement avant de vous engager dans une voie si périlleuse. La guerre peut remettre tant de choses en question qu’elle me semble, quelque succès que nous puissions d’abord en espérer, à craindre par-dessus tout. C’est à la haute sagesse du Roi, qui sait si bien résister à d’intempestives clameurs, à votre prudence, mon cher général, et à l’excellent esprit de M. Laffitte qu’il appartient d’empêcher ce malheur et de dominer les esprits inquiets qui cherchent à nous pousser au-delà du but. Aujourd’hui, la gloire est à la paix : tout le monde sait commencer la guerre ; mais qui est ce qui peut être sûr de la bien conduire et de la terminer à propos ? L’Empereur même ne l’était pas.

J’ai eu l’occasion de remarquer plusieurs fois que si l’orgueil français se plaçait du côté de l’agrandissement de la France par la Belgique, l’industrie française redoutait la Belgique sous beaucoup de rapports. Il n’en serait pas de même de la rive droite du Rhin, ni de la Savoie.

Du reste, vous êtes mieux placé que moi pour juger de la valeur de toutes les réflexions que confirme cette lettre, qui me paraît bien longue et bien mal écrite. Adieu, mille amitiés.


2 février 1831.

Je crois, et je désire vivement que, si M. le Duc de Nemours est nommé, le Roi refuse pour lui, et déclare qu’il est étonné, après la manière dont il s’est expliqué à cet égard, que l’on ait persisté à lui offrir la couronna de la Belgique. Cela est essentiel : mon opinion est que la conservation de la paix est attachée au refus que fera le Roi. Ce refus-là fait, les affaires de la Belgique, bien ou mal, s’arrangeront. Si elles s’arrangent mal, les Belges l’auront voulu… Vous pouvez vous servir très avantageusement