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pouvoir, et l’on doit se tenir eu garde contre les conseils et les discours qui viennent de ce côté. L’autre opinion, à la tête de laquelle l’excellent esprit du Roi l’a placé et que vous défendez si habituellement, a su juger que la paix seule peut consolider sans de violentes secousses les heureux résultats que la France a enfin obtenus.

On ne peut pas trop se dire qu’un royaume peut être créé par la guerre, mais qu’une royauté née au milieu d’une tempête ne s’établit bien que dans la paix.

La nouvelle marche que vous me proposez de suivre dans les affaires de la Belgique bouleverse toutes mes idées à ce sujet et jetterait des inquiétudes, j’en suis sûr, dans l’esprit de tous les ministres qui composent la Conférence, y compris les ministres anglais ; j’ai pu les juger dans plusieurs conversations qui, quoique détournées, avaient pour objet de les sonder à cet égard.

Nous serions parvenus, et avec beaucoup de peine, à obtenir la souveraineté de la Belgique pour le prince Léopold marié à une princesse de France ; et je ne comprendrais pas comment les discours de quelques membres du parti qui veut évidemment la guerre, décideraient à renoncer à la seule combinaison qui paraisse en ce moment pouvoir assurer le maintien de la paix. Il est évident, pour vous et pour moi, que le prince Léopold est fort loin d’être ce qui s’appelle anglais : ce sera peut-être difficile à faire comprendre aux ignorans et aux gens de mauvaise foi, mais c’est certain ; il ne tient à l’Angleterre que parce qu’il en tire chaque année cinquante mille livres sterling qu’on ne peut lui ôter et qui auraient l’avantage de lui faire porter une liste civile presque toute faite dans le pays qui l’aurait appelé. Cet avantage avait été reconnu lorsqu’il avait été choisi pour régner sur la Grèce. Il me semble que l’établissement nouveau d’un gouvernement monarchique en Belgique doit d’abord s’occuper de débarrasser ce pays de toutes les gênes et charges qui posent sur lui, telles que la dette entre la Hollande et la Belgique, la dette pour laquelle la Russie aura des réclamations à faire et tant d’autres difficultés qui vont naître de son indépendance. Lorsque toutes ces questions auraient été résolues de commun accord entre toutes les parties, on aurait pu, si la sympathie de la Belgique pour la France restait toujours la même, songer avec quelque espoir de succès à des projets de réunion.

La solution même des questions dont je viens de parler