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tout. L’augmentation dûment empochée, on a fait semblant de ne pas comprendre : sainte touche et sainte nitouche. La coupe était pleine. L’impopularité du régime fauteur de tels abus s’est accrue à l’infini. »

Qui parle ainsi ? Encore une fois, c’est un partisan du scrutin d’arrondissement ; mais, placé hors de la lutte, il juge mieux les coups et il les explique. M. Briand, dit-il, avait annoncé l’apaisement, la conciliation ; il sentait venir l’orage, il aurait voulu le conjurer ; malheureusement, les radicaux ne l’ont pas compris, et ils ont failli le renverser. Les vieux abus ont persisté. Le tableau que décrit M. Hanotaux n’est pas seulement celui d’hier, il est celui d’aujourd’hui. Sera-t-il encore celui de demain ? C’est possible : en tout cas, il ne sera pas celui d’après-demain. On sent, à des signes évidens, que la moitié du pays, après avoir trop longtemps subi le poids du joug, s’apprête à le secouer, et qu’elle le secouera. Quand ? Comment ? Nul ne peut le dire au juste, mais elle en trouvera le moyen, parce qu’il y a des monstruosités qui ne peuvent pas durer toujours. M. Millerand, aujourd’hui ministre, a qualifié autrefois d’« abject » le régime de M. Combes : ce régime continue. Mais nous rendons à M. Millerand la justice qu’envers et contre tous il reste, dans le Cabinet, le défenseur du scrutin de liste avec représentation proportionnelle, parce que qui veut la fin doit vouloir les moyens, et qu’on ne peut corriger les abus d’un gouvernement majoritaire sans scrupule, sans conscience, sans humanité, qu’en portant le remède à la source du mal. La représentation proportionnelle ne suffira pas à guérir ce mal ; il est trop profond pour cela ; mais elle l’atténuera. Le pays ne se trompe pas dans l’instinct qui le porte vers elle. Déjà les radicaux se troublent et reculent. On commence à se demander si, avant les élections prochaines, ils ne tenteront pas quelque chose pour donner le change au pays et essayer de se soustraire au jugement sévère qu’il est prêt à porter sur eux.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.