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aussi la lecture d’une lettre de. M. Léon Bourgeois, que nous n’avons garde de confondre avec M. Combes ; son esprit a d’autres délicatesses ; mais on connaissait déjà l’opinion de M. Bourgeois par une interview qui n’avait produit aucun effet, et on sentait trop que sa lettre ne pouvait être que le devoir écrit d’un désabusé. Laissé seul, abandonné à ses propres foires, que pouvait faire M. Combes ? Il a vainement essaye de compenser la pauvreté de ses argumens par l’audace de ses paradoxes. On avait cru jusqu’ici que le scrutin de liste avait pour effet de dégager, dans un département, les courans d’opinion et de mettre en relief les personnalités distinguées qui les représentent. — Du tout ! a protesté M. Combes : le scrutin de liste est le berceau des médiocrités. — Ou avait dit qu’il facilitait le groupement autour d’une idée, d’un programme, d’un drapeau, et que, dans le projet de loi auquel on s’était arrêté, il supprimait, ou du moins il réduisait les marchandages. — Pas le moins du monde ! s’est écrié ; M. Combes : il amène l’endettement à l’infini et il favorise toutes les compromissions. — On estimait généralement qu’il coûtait moins cher que le scrutin d’arrondissement parce que les fortunes qui permettent de corrompre un arrondissement sont plus nombreuses que celles qui permettent de produire le même effet sur un département. — Vous nous la baillez, belle, affirme M. Combes : le scrutin de liste est le plus dispendieux de tous. — M. Briand avait parlé en mauvais termes des « mares stagnantes » qui empestent le pays. — Ne voyez-vous pas, a fait observer M. Combes, que, de ces mares stagnantes, s’échappent des ruisseaux qui, en se réunissant, forment un fleuve majestueux et puissant qui féconde les campagnes, balaie toutes les immondices et les emporte dans la mer ? — Eh non ! nous ne voyons rien de tout cela il est plus difficile de prouver que d’affirmer ; aussi M. Combes n’a-t-il même pas essayé de prouver ; les affirmations lui ont suffi, de même qu’à ses convives après le Champagne. Pendant qu’ils se morfondaient dans un piètre banquet, les proportionnantes remportaient, dans une salle où ils avaient réuni des milliers d’auditeurs, un des plus brillans succès qui aient illuminé leur propagande.

Peut-être nous reprochera-t-on de n’avoir jamais dit, non pas ce qu’est le scrutin de liste avec représentation proportionnelle, tout le monde le comprend, mais comment il fonctionne. Nous ne l’avons pas dit, en effet. Le système, bien que très simple à appliquer, est assez délicat à expliquer. Nous ne saurions mieux faire, pour répondre au désir que nous ont exprimé quelques-uns de nos lecteurs, que de les renvoyer à une très courte brochure que M. Flandrin, sénateur,