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dont l’extérieur est aimable, s’adonne aux plaisirs et aux plaisirs faciles. »

Le 27 avril, à propos du baptême du prince héréditaire, fils du prince d’Orange, le rapport signale encore qu’en allant au temple et en en revenant, le cortège royal, quoique très brillant, n’a excité dans Bruxelles aucun enthousiasme. Le peuple qui bordait les rues, le bonnet et le chapeau sur la tête, ne les a pas ôtés, bien que le Roi, la Reine, le prince d’Orange saluassent de tous côtés. A neuf heures du soir, malgré les illuminations, — des chandelles derrière les fenêtres, — il n’y avait personne dans les rues. Au théâtre on donnait un intermède : La naissance du fils de Mars et de Flore, imité de celui qu’on donna à l’Opéra de Paris, lors du mariage de Napoléon avec Marie-Louise : L’union de Mars et de Flore. On a écouté dans un morne silence ces scènes allégoriques. En revanche, dans la pièce d’ouverture, un des personnages ayant dit : « L’esprit est du terroir de France ; elle en fournit à toute l’Europe, » la salle a éclaté en applaudissemens. Ainsi, sous toutes les formes et en toute occasion, les Belges témoignent de leur antipathie pour leur gouvernement. Elle ne se révèle encore qu’en d’inoffensives manifestations. Mais elle éclatera révolutionnairement en 1830, et la Belgique, avec l’appui des Français, proclamera son indépendance.

Les détails donnés par l’observateur anonyme l’ont éloigné de sa mission. Il y revient bientôt en rendant compte de ce qu’il a vu parmi les réfugiés. Voici d’abord le très piquant récit d’une visite qu’il a faite à Mme Brayer, femme d’un général proscrit, lequel se prépare à s’expatrier.

« J’étais hier soir chez Mme Brayer lorsque le ministre de Prusse, prince de Hatzfeld, entra. (C’est celui qui fut sauvé par sa femme à Berlin.) Il apportait à cette dame une lettre du prince de Hardenberg et une traite de mille florins sur Paris. Il lui fit, de la part du prince de Hardenberg, toutes les offres de services possibles, et l’assurance de tout l’intérêt qu’il ne cesserait de prendre à son mari.

« J’allais me retirer, lorsque Mme Brayer me présenta à M. de Hatzfeld, comme un Français pensant bien. Ce fut son expression. Je ne peux pas dire dans quelle acception le prince de Hatzfeld prit ce mot. La conversation s’engagea de suite sur la situation actuelle de la France, sur la santé du Roi et sur la légitimité. Le prince de Hatzfeld dit simplement :