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à se faire valoir et sa modestie nous est un garant de la justesse de ses observations et de la sincérité de ses propos. Ils sont d’ailleurs en parfait accord avec ce que nous savons de ce qui se passait alors en Belgique.


III

Non content d’observer la société des réfugiés, l’auteur des rapports qui me servent de guide, constate et signale l’impopularité du roi des Pays-Bas, Guillaume Ier :

« L’inconvenance avec laquelle on parle ici hautement, dans toutes les classes de la société, de la personne du Roi, de la nullité de ses moyens, de son entêtement extrême dans les affaires, et du parti politique qu’il a pris, est digne de remarque. La mesquinerie du train de sa maison, qui n’est point comparable à celui de tel de nos parvenus à Paris, choque et les Belges et les étrangers. Point de représentation, point de majesté. On dit partout que ce prince recevant beaucoup et ne dépensant rien, ne s’occupe qu’à ramasser des fonds qu’il fait passer successivement en Angleterre ; il est éloigné d’être aimé dans ce pays, qui est entièrement et absolument français, et qui ne cache ni ses regrets, ni ses espérances. Les plaintes contre ce souverain sont amères et paraissent fondées sur la permission d’exportation des grains qui a porté le prix du pain dans ce pays fertile de trois sous à neuf.

« Le prince d’Orange représente mieux ; on voit qu’il cherche à se faire aimer. Hier, au spectacle, dans le moment que, dans le Barbier de Séville qu’on jouait, le comte Almaviva dit, dans le quatrième acte, à Bartholo : « Les vrais magistrats sont les soutiens de tous ceux qu’on opprime, » le prince d’Orange, qui était dans sa loge, et qu’on apercevait à peine, s’avança et donna, le premier, le signal des applaudissemens, qui partirent alors des quatre coins de la salle. J’étais présent.

« La veille, la reine mère était venue au spectacle avec la reine régnante qui était coiffée, suivant son usage, d’un petit bonnet très simple à la hollandaise, tandis que la reine mère avait une toque de velours noir, étincelante de diamans. J’en parle, parce qu’il n’est question ici que du petit bonnet à la hollandaise porté par la reine régnante et qui déplaît fort aux Belges. Il faudrait bien du temps pour fondre ces deux nations en une, si cela n’est pas impossible. Le prince d’Orange, qui est jeune, et