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Exelmans est à Breda et « s’y tient tranquille[1]. » Ses camarades Ornano et Fressinet sont à Spa, Morand à Cracovie, Pully, Hullin, Brayer, Lamarque, Merlin, Gérard à Bruxelles « où celui-ci vient d’épouser Mlle de Valence. » Aucun grief, relatif à leur conduite actuelle, n’est invoqué contre eux ni contre les colonels Dessaix, Bory Saint-Vincent, Latapie et autres. Tout au plus remarque-t-on que le colonel Lahoussaye qui a servi dans la Garde et qui, lui aussi, réside en Belgique, prodigue ses secours à des réfugiés : « Comme il n’est pas assez riche pour le faire de ses propres moyens, » on se demande d’où vient l’argent. Au mois de mars 1817, un rapport signale la présence à Dusseldorf du maréchal Soult et de sa famille. « Il y vit très retiré, sans faste ; il n’a pas même d’équipage. Il a acheté pour quarante mille francs de grains qu’il fait distribuer aux pauvres. On peut être rassuré sur ce personnage. »

Ce qui était vrai des militaires ne l’était pas moins des régicides. Réfugiés en Belgique au nombre d’une soixantaine, avec le consentement des alliés et l’agrément du roi des Pays-Bas sous la domination duquel le Congrès de Vienne avait mis les contrées belges, ils ne cherchaient qu’à s’y faire oublier. Au déclin de l’âge, ils ne songeaient pas à conspirer. Ils y songeaient d’autant moins que quelques-uns d’entre eux recevaient des secours du gouvernement français, soit directement, soit par leur famille restée en France. D’ailleurs, l’eussent-ils voulu, ils ne l’auraient pu, faute d’influence et de moyens d’action. Les plus considérables étaient le peintre David, Barrère, Cavaignac, Cambacérès, l’ex-archichancelier de l’Empire, et Sieyès. Celui-ci, presque toujours malade, voyait peu de monde. On le désignait par raillerie sous le sobriquet de « La mort sans phrases, » qui rappelait, calomnieusement, affirmait-il, son vote de 1793. Cambacérès, lui aussi, vivait dans la retraite. Il avait fait l’acquisition d’un hôtel, où il ne recevait qu’un petit nombre de réfugiés, jamais de militaires, évitant tout ce qui aurait pu le compromettre. On vantait l’excellence de sa table ; mais on l’accusait de manquer de générosité envers ses compatriotes malheureux. Le peintre

  1. Comme la plupart des généraux bannis, le général Exelmans fut rappelé en 1819 sous le ministère Dessoles. J’ai raconté dans mon livre : Louis XVIII et le duc Decazes les circonstances touchantes de ce rappel qui fut prononcé à la prière de Mme Exelmans, secondée par Mme Decazes, son amie d’enfance. Il avait comparu le 23 janvier 1815 devant le conseil de guerre à Lille, qui l’acquitta.