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connaissait le testament de son père, ses hommes d’affaires le lui ayant envoyée Londres. Mais la police le connaissait aussi ; la lettre qui le lui apportait avait été ouverte à la poste et copie avait été prise du contenu. Par ce testament écrit en Angleterre le 18 août 1806, c’est-à-dire pendant l’exil, le prince de Condé faisait son fils légataire universel de sa fortune et accordait des pensions à quelques-uns de ses amis et à ses serviteurs. En tête de ces dispositions, il avait mis une touchante profession de foi.

« Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

« Pénétré pour Dieu de la plus juste et de la plus profonde reconnaissance de ce qu’il a bien voulu préserver ma conscience de tous les crimes de la Révolution et, jusqu’à présent, ma vie de ses fureurs, je demande pardon à ce Dieu de bonté d’avoir aussi peu mérité tous les bienfaits dont il m’avait comblé et de n’avoir pas employé à le servir tous les momens de cette vie qu’il lui a plu de prolonger au sein du malheur, pour mieux me pénétrer du néant des choses humaines Je le prie de me pardonner les mauvais exemples que j’ai pu donner et tous les péchés que j’ai commis, et je déclare que je meurs dans la ferme croyance des vérités de la saine et pure religion catholique, apostolique et romaine, telle qu’elle était enseignée, crue et pratiquée quand Dieu m’a fait la grâce de me faire naître dans son sein.

« Je connais trop le cœur de mon roi pour avoir besoin de recommander mon fils à ses bontés. Mais, comme le malheur du temps ne permet pas encore à Louis XVIII de le faire rentrer dans la jouissance de ses droits et de ses biens, je recommande aussi son existence actuelle aux vertus bienfaisantes du roi d’Angleterre, de l’empereur de Russie et du roi de Suède, et j’ose leur répondre que le dernier des Condé, si Dieu veut qu’il le soit, est aussi digne de leur estime et de leur bonté que l’était son trop malheureux fils et que son père a tâché de l’être. »

De ce témoignage de paternelle sollicitude, il est intéressant de rapprocher la lettre que, le 21 mai, huit jours après la mort de son père, le. Duc de Bourbon envoyait à Londres, à l’adresse de « miss Harris, no 2, Grove Street, Lisson Grove, New Road, Londres. » En voici la traduction d’après les papiers du Cabinet noir :

« J’ai reçu votre chère lettre, mon cher ange. Hélas ! comme je suis malheureux depuis que je ne suis plus auprès de vous ! Je ne mange ni ne dors. En effet, je suis au désespoir, accablé