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mon devoir. » Alors que tout révèle l’affaiblissement progressif du vieux prince et l’imminence de sa fin, on voudrait voir la tendresse de son fils se manifester et le ramener à Paris. Mais il ne part pas, peut-être parce que les lettres de sa fille sont rassurantes en ce sens qu’elles ne parlent pas de la santé du prince de Condé, témoin celle du 11 février.

« Il me semble, très chérissime, que je n’ai point eu de vos nouvelles directement depuis la lettre qui m’a été apportée par M. d’Osmond, cela me paraît toujours bien long. Sa sœur, Mme de Boigne, a pensé faire naufrage en débarquant à Calais[1] ; je ne sais pas bien les détails, parce que je ne l’ai point encore rencontrée ; mais on dit que le vaisseau où elle était a touché, qu’on a été obligé de jeter les chaloupes en mer, par un très gros temps. Vous entendrez sans doute parler de cela d’une manière plus précise. Comment avez-vous trouvé la jeune Mme d’Osmond ? Elle a de fort beaux yeux, mais je crois que son mari trouve encore ceux de sa cassette plus beaux.

« Le carnaval qui commence à Londres vient heureusement de finir ici. Comme il était fort court, il a été fort vif. Comme je ne danse pas, j’ai été moins fatiguée que certaines dames, qui véritablement ont l’air de mortes. Il y a eu quatre petits bals chez M. le Duc de Berry, charmans, fort peu de monde, entre autres un quadrille costumé dansé à merveille. Mme la Duchesse de Berry est fort enrhumée des suites de la danse et garde sa chambre ; j’espère maintenant qu’elle s’occupera de choses plus essentielles, et que tout le monde désire. Il est impossible d’être plus aimable qu’ils ne le sont chez eux ; M. le Duc de Berry est plein de soins pour elle, et elle l’aime à la folie ; ainsi cela remplit d’espérances. Dieu veuille accomplir tous nos vœux ! En attendant, Mme la Duchesse d’Orléans est encore grosse.

« Je vois beaucoup d’Anglais et d’Anglaises qui disent vous avoir vu à Londres blanc et couleur de rose ; cela me rassure sur votre santé, très chérissime, que vous me dites ne pas être bonne. Tout le monde tousse ici, mais ce sont les fruits de la saison.

« Nous sommes très occupés ici aujourd’hui d’un coup de pistolet, tiré hier soir sur la voiture du duc de Wellington,

  1. En février 1818. Dans ses Mémoires (t. II, p. 338), Mme de Boigne raconte cet accident qui, fort heureusement pour elle et pour son compagnon de voyage, n’eut pas de conséquences fâcheuses. Le naufrage qui les menaçait fut évité.