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resterait du ministère actuel que MM. de Richelieu et Laine. Le Roi ne serait pas éloigné de consentir à cet arrangement. »

« 8 janvier. — Les projets de loi présentés à la Chambre des députés occasionnent beaucoup de désordre dans les esprits, par les discussions qu’ils y causent. On disait hier que MM. de Richelieu et Lainé ne voulaient plus rester en place, qu’ils voyaient trop bien où le système suivi conduisait et qu’ils étaient las de la tyrannie de leurs collègues.

« On parle aussi beaucoup sur les ministres des puissances étrangères. On croit savoir qu’ils sont aussi alarmés que mécontens du système adopté et qu’il y a eu déjà des conférences importantes. On assure en outre que l’un de ces ministres étrangers, le plus prépondérant (Pozzo di Borgo), favorise ce système de tout son pouvoir, ce qui paralyse tous les efforts tentés.

« 26 janvier. — Les royalistes sont toujours dans la consternation. Le ministère de la Police ne cesse de les persécuter.

« 5 février. — Ce qui fixe particulièrement l’attention, c’est un Congrès qui doit avoir lieu à Manheim au commencement de mai. Je crois tenir de bonne part que plusieurs souverains y assisteront, que les intérêts de la France y seront discutés et arrêtés et qu’on mettra un terme à l’audace de tous les Jacobins… Les honnêtes gens espèrent beaucoup de résultats de ce congrès. »

A travers ces aigres propos, qui ne sont que l’écho de fausses nouvelles, on sent vibrer toutes les passions de l’ultra-royalisme, l’horreur des doctrines libérales, la haine de leurs partisans, l’espoir d’une intervention étrangère dans les affaires intérieures de la France et, cette constatation faite, il n’y a pas lieu de tirer de ces lettres de plus longs extraits, d’autant que, dans le même dossier, il en est d’autres, en trop petit nombre malheureusement, d’un caractère plus attachant : celles de Louise de Condé et de la comtesse de Rully.

Louise de Condé est la sœur du Duc de Bourbon, la religieuse du Temple ; la comtesse Adèle de Rully est une fille naturelle du prince, qu’il a eue d’une danseuse de l’Opéra, Mlle Michelon dite Mimi, et qu’il a reconnue aussitôt après sa naissance. Elle a été élevée par ses soins et par ceux du maréchal de Soubise. Il l’a ensuite mariée à Londres, en novembre 1803, à un gentilhomme de bonne maison, avec l’agrément de Louis XVIII. Tout ce qu’on sait de la vie de cette femme trahit la générosité de son cœur, la noblesse de son caractère, sa sollicitude filiale