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Je n’ai pas besoin de qualifier la conduite de Bussy dans cette affaire. Mais je marque un point, déjà, au passif de Bussy.

Après la mort de Sévigné, six mois plus tard, Bussy devint ce que nous appelons le flirt de Mme de Sévigné. Elle aimait infiniment sa conversation, son esprit, sa gaîté ; mais elle le tenait strictement dans les limites de l’amitié. Il se mit à aimer Mme de Précy, et il y eut quelque froid entre sa cousine et lui, ou, tout au moins, quelque tiédeur. Ceci se passait entre 1651 et 1656. Quelque temps après, en 1658, Bussy pressé de partir pour une campagne et comme toujours manquant d’argent, s’adressa à sa cousine pour en avoir. Il est certain que Mme de Sévigné lui en promit ; il est certain qu’elle se dédit de sa parole, prétendant qu’elle était sans finances et il est certain qu’elle était en fonds. Ces trois choses sont prouvées par textes authentiques et minutes de notaires retrouvées par M. Depping en 1877, et M. Gérard-Gailly ne saurait pardonner à M. Boissier et à M. Vallery-Radot de n’avoir pas tenu compte de cela. J’en tiens compte et je marque un point au passif de Mme de Sévigné. Mme de Sévigné en 1658 fut coupable, non point de ne pas prêter de l’argent à un quémand, car cela est permis ; mais d’en promettre et de se dédire en affirmant qu’elle n’en avait pas, alors qu’elle en avait. Bussy, du reste, en fut quitte pour écornifler chez sa maîtresse (Mme de Montglas), selon l’usage du temps, et put partir en campagne.

Les deux cousins restèrent brouillés quelque temps. En 1661, chute de Foucquet, ouverture de ses papiers, de sa cassette secrète. Parmi les poulets de ses maîtresses, il y a des billets de Mme de Sévigné. Grand esclandre. Bussy, persuadé ou non de l’innocence de sa cousine, va trouver Le Tellier, secrétaire d’Etat à la Guerre qui détenait les papiers, se fait montrer les lettres de sa cousine, se convainc qu’elles ne prouvent que sa vertu et va proclamer partout et sur un ton qui n’admettait ni la réplique, ni l’alibiforain, cette vérité historique. Je marque un point à l’actif de Bussy.

Les deux cousins se réconcilièrent. Nous voici en 1663. L’Histoire amoureuse des Gaules a déjà été écrite, non imprimée, et le portrait de Mme de Sévigné y figure ; mais Mme de Sévigné l’ignore. Les deux cousins sont au mieux. Bussy, voulant partir pour Marsal, a besoin d’argent. Mme de Sévigné et, paraît-il, sans qu’il les lui demande, lui prête 4000 livres. Je marque un point à l’actif de la marquise.