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Renaissance, de ces imitateurs de l’antiquité, qui ne veulent regarder que la forme des corps ; nous sommes loin de l’époque où l’on a pu dire que le propre de l’art du dessin était de bien savoir faire un homme et une femme nus ; nous sommes dans le siècle des âmes. Partout, sous quelque drapeau religieux que l’on combatte, c’est l’éducation, c’est la moralisation de l’homme que l’on vise, c’est à son âme que l’on s’intéresse.

Dans cette grande lutte contre le paganisme de la Renaissance, dans cet élan de bonté qui s’efforce de secourir toutes les misères, les pays protestans agissent comme les papes de la contre-Réforme ; il semble même que ce soit un peu sous l’influence du protestantisme que se soit modifiée l’orientation de la Papauté. C’est un pape venu du Nord, le pape Adrien VI qui, le premier, avait tenté une réforme restée infructueuse parce qu’elle était prématurée. Et, au XVIIe siècle, c’est un artiste du Nord qui, plus que les Italiens peut-on dire, a exprimé la vraie pensée de son temps. Rembrandt, qui est le plus prodigieux ouvrier qu’on ait jamais vu, le plus extraordinaire manieur de la couleur, le plus juste observateur de la lumière, est avant tout le peintre des âmes. Rembrandt qui, dans l’art de peindre, dans l’art de mesurer la lumière, peut trouver un rival en Velazquez, de quelle hauteur ne le dépasse-t-il pas par la profondeur de sa pensée ?

Que Rembrandt ait beaucoup étudié les Italiens, il n’en faut pas douter. Les collections de peintures et de gravures italiennes qu’il avait réunies à si grands frais, les dessins qu’il fit d’après les maîtres italiens et notamment d’après Léonard en sont la preuve. Sans jamais se laisser détourner de son but, sans s’attarder aux jeux de coloris des Vénitiens, sans éloigner ses yeux de la réalité vivante et souffrante, comme le faisaient les copistes de l’antiquité, Rembrandt, n’eût-il peint que les Disciples d’Emmaüs, doit être tenu pour un des plus grands spiritualistes de l’art, pour le vrai et pour ainsi dire le seul disciple de Léonard.


V. — DECLIN DE L’ECOLE BOLONAISE

Nous avons vu naître l’école bolonaise, nous avons dit ce qu’elle était et quelle influence elle avait exercée ; il nous reste à voir comment elle va finir.

C’est Rome même, c’est le vieux levain romain, qui va