Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chrétiennes. C’est pour ces raisons que l’école bolonaise, plus savante que l’école de Giotto et plus chrétienne que l’école du XVIe siècle, a conservé la faveur du monde chrétien. Il n’est pour ainsi dire pas un presbytère, pas un couvent, où l’on ne trouve quelque gravure d’une de leurs œuvres. Le nom de Carrache est encore populaire à l’égal de celui de Raphaël.


Trois hommes de la même famille, les trois Carrache ont fondé l’école bolonaise.

Augustin semble l’avoir marquée de son vrai caractère. Dès sa jeunesse, poussé par le désir de savoir, il avait étudié à l’Université de Bologne ; il y avait suivi les cours de mathématiques, de rhétorique, de philosophie, de belles-lettres. C’était une nouveauté dans le monde des artistes, et son maître lui reprochait les heures passées à l’Université, comme autant d’heures de moins consacrées à l’étude de la peinture. Augustin Carrache, poussé par son amour des sciences et des lettres, en vint à l’idée de créer une école qui serait comme une université pour les peintres. Il ouvrit une académie, où l’on n’enseignait pas seulement l’art de la peinture, mais les cours les plus divers sur la symétrie, la perspective, l’anatomie, l’architecture, où l’on apprenait l’art de choisir les sujets et de composer. On l’appelait l’Académie des Desiderosi, en raison de l’ardent désir des élèves de créer un art nouveau. Augustin Carrache fut un passionné graveur, et cela se comprend, étant donné la tournure de son esprit. La gravure était pour lui et pour ses élèves le meilleur moyen d’éducation ; par elle ils pouvaient réunir sous leurs yeux le plus grand nombre possible d’élémens d’instruction. Augustin fit peu de peintures ; toutefois, la Communion de saint Jérôme, que le Dominiquin imita plus tard, suffit à sa gloire.

Louis Carrache fut un homme d’un tout autre tempérament, et son action fut non moins utile dans la formation de l’école. C’était un penseur, un homme extrêmement réfléchi, qui passait pour un esprit lent parce qu’il méditait beaucoup. Il fut un des premiers à se rendre compte des graves défauts de l’école de Michel-Ange, à reconnaître les dangers auxquels pouvaient conduire de fausses recherches d’idéal, et à comprendre que le salut ne pouvait venir que d’un retour à la nature. En somme, il arrivait aux mêmes conclusions que le Caravage, mais sans se laisser entraîner aux mêmes excès de réalisme.