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ateliers florentins, mais à la Cour des grands de la terre, à la Cour de Louis le More, de César Borgia et de François Ier, s’orienta de plus en plus vers les idées de joie et de volupté : et c’est par là surtout que son art jeta les plus profondes racines dans le Nord de l’Italie, dans l’art de Giorgione et dans l’art du Corrège, fécondant ainsi la moitié de l’Italie, et régnant dans toutes les régions où ne dominait pas la Renaissance. Léonard à Milan, Michel-Ange à Rome, sont les deux pôles de l’art au XVIe siècle. La rapidité avec laquelle l’art vénitien a passé de l’art des Bellini à celui de Titien ne peut s’expliquer que par l’influence de Léonard sur Giorgione.

Le Corrège plus que tout autre fut l’héritier, le véritable continuateur de Léonard, et par lui le successeur du Verrocchio et de tous les grands florentins du XVe siècle ; il a leur sourire, leur grâce, leur mouvement, leur naturalisme, toute leur science ; mais son art, trop empreint de volupté, ne pouvait être encore ce que la Papauté désirait. Toutefois, par son expression, sa tendresse, son émotion, il devait être le plus utilement consulté et servir de point de départ à cette école bolonaise qui allait prendre en main les destinées de la peinture italienne.


III. — CAUSES DE LA SUPRÉMATIE DE L’ÉCOLE BOLONAISE. SES CARACTÈRES

Ce que ni Rome, ni Florence, ni Venise, ni Milan, ni Parme ne pouvaient faire, c’est Bologne qui le fit. Bologne était également éloignée de Florence et de Venise, de celle Renaissance et de ce sensualisme qu’il s’agissait du combattre ; elle était ainsi mieux préparée que toute autre à redevenir chrétienne. D’autre part, sa situation près de Parme et de Milan la mettait à même de recueillir les grandes traditions du Corrège et de Léonard. Mais surtout, Bologne était une vieille ville universitaire, un des plus grands centres de la pensée en Italie ; il y avait chez elle, plus que partout ailleurs, ces traditions d’intellectualisme merveilleusement propres à favoriser cet art religieux que demandait impérieusement la Papauté. Enfin Bologne, depuis quelques années, faisait partie des Etats pontificaux. La Papauté y était chez elle ; là elle trouvait des savans, des lettrés, des artistes, toutes les ressources intellectuelles dont elle était dépourvue depuis si longtemps. La nomination au Pontificat de deux