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défense commune de l’Empire et qui avait permis à son collègue, M. Haldane, de doter l’Angleterre d’une armée territoriale. « A quoi bon tant de coûteux armemens pour repousser des flottes imaginaires, des flottes-fantômes ? »

Cependant M. Lloyd George désespérait de persuader à ses compatriotes qu’il serait temps de commencer à construire des Dreadnoughts quand les vaisseaux allemands seraient mouillés à l’entrée de la Medway ou en vue de Scarborough. Donc il fallait une grosse somme pour les constructions navales ; il en fallait une autre, énorme aussi, pour fournir aux retraites ouvrières dont l’Etat, jusqu’ici, supporte tout le poids. En présence de pareilles charges, le bon sens conseillait à un ministre des Finances ordinaire un budget de prudence et d’économie. Tout au contraire, M. Lloyd George, à ce programme déjà si lourd, ajoute un programme de son cru qui porte le déficit de l’année 1909 à 400 millions de francs et le déficit de l’année suivante à 500. Il s’agit de mettre le pays en rapport et, tout d’abord, de reboiser la contrée et de refaire, en les élargissant, les voies de communication. Pour entamer ces deux importantes œuvres, il fallait créer un personnel forestier et réorganiser la grande viabilité qui est, en Angleterre, déplorablement arriérée et nullement en harmonie avec les besoins modernes.

Comment faire face à tant d’obligations déjà contractées et à tant d’entreprises nouvelles ? La voix ayant tout à coup manqué à l’orateur, la liste, si intéressante, des impôts proposés par le chancelier de l’Echiquier ne put être qu’imparfaitement entendue et comprise par ses auditeurs. Le lendemain, quand on put la lire intégralement dans les journaux, il y eut une sorte de stupeur dans le pays. L’usage veut qu’une résolution de la Chambre rende les dispositions de la loi de finance immédiatement exécutoires. En sorte qu’on put expérimenter les effets du budget avant même d’en avoir discuté les principes. L’augmentation des droits sur le tabac fit sentir, dès le lendemain, ses conséquences aux fumeurs du Royaume-Uni, surtout à ceux de la classe populaire, car j’ai pu constater que les cigares de luxe n’étaient pas atteints. Les droits sur la bière avaient, également, augmenté. Les brasseurs et les débitans de boissons, déjà engagés dans une guerre mortelle contre le gouvernement radical, se savaient menacés, ils attendaient le coup. Ils furent