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les apprécier, il faudrait un article spécial, et ce jugement serait prématuré, car une expérience de plusieurs années pourra, seule, faire connaître leur valeur pratique et définitive. Il a fait voter une loi qui modifie les règlemens de la marine marchande ; il a retouché la législation des brevets, déjà remaniée par M. Chamberlain lorsqu’il occupait, sous Gladstone, il y a vingt-cinq ans le même poste ministériel ; il a ébauché un plan pour reconstituer et revivifier le port de Londres auquel la déplorable grève des docks, il y a quinze ans, a porté un coup mortel. Mais ce qui l’a surtout mis en évidence, c’est son intervention, au moment psychologique, dans la dispute entre les compagnies de chemins de fer et leurs employés. Il réunit autour d’une table les délégués des deux partis, raisonna avec eux, imposa des concessions réciproques aux uns et aux autres et, non seulement, il épargna au pays tout entier une crise dont le résultat se serait chiffré par une perte énorme, mais il jeta les bases d’une organisation arbitrale permanente destinée à rendre impossible le retour des mêmes périls et des mêmes anxiétés. Le premier point est acquis ; le second est encore problématique, puisqu’il appartient à l’avenir. On m’assure qu’à l’heure présente, les relations des compagnies et des employés de chemins de fer sont plus tendues que jamais : je n’ai aucun moyen de vérifier cette assertion. A ne considérer que les intentions, l’action de M. Lloyd George, en cette circonstance, a été une action bienfaisante.


IV

C’est en avril 1908 que M. Asquith est allé chercher à Biarritz l’investiture royale et qu’il a succédé, comme premier ministre et comme chef de la majorité dans la Chambre des communes, à Campbell Bannerman.

La seconde place revenait à M. Lloyd George et l’opinion avait accepté d’avance sa promotion à la chancellerie de l’Echiquier. Cette nomination, jointe à celle de M. Winston Churchill, qui entrait dans le Cabinet en prenant la place de M. Lloyd George, fortifiait dans le gouvernement le parti ultradémocratique, le parti de la réforme sociale, dans le sens souhaité par les Labour men. « L’avenir est en M. Lloyd George, » écrivait, vers cette époque, un observateur très pénétrant, bien qu’un peu partial, M. Gardiner, rédacteur en chef du Daily News, ce mot