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l’on poursuit, c’est le « monopole, » ce sont les « sermens, convenances et alliances, » et c’est enfin le mépris ou la violation de l’autorité royale. Peu importe, au bout du compte, le but avoué de l’association. Fût-il plus innocent, plus méritoire encore, il y a monopole, il y a serment, il y a alliance, lâchons le gros mot, il y a confédération, par conséquent atteinte au pouvoir monarchique… et le pouvoir monarchique n’hésite pas à briser la confédération.

Respecte-t-il au moins, ou tolère-t-il toujours, les corporations de métiers en tant que telles, chacune pour son compte et prise à part ? Il ne faut pas qu’elles lui portent ombrage, et, vis-à-vis d’elles, il est aisément « sur l’œil. » La sédition des Maillotins (1er mars 1382), une année entière de troubles jusqu’à la rentrée de Charles VI dans Paris (11 janvier 1383), le souvenir de ce qui s’était passé sous le règne précédent : « et en oultre aient par plusieurs fois mesprins dès le temps de nostre-dit seigneur et père[1], » déterminèrent le Roi, entre autres mesures de rigueur, à dissoudre les corporations. La Chronique de Saint-Denis en donne ce motif : « comme prêtant occasion à des assemblées illicites. » Charles VI remplaça les maîtres électifs des métiers par des visiteurs à la nomination du prévôt, supprima la juridiction professionnelle exercée par plusieurs de ces corporations, et défendit d’une façon générale, et notamment aux confréries, de se réunir ailleurs qu’à l’église sans son autorisation ou celle du prévôt, et en l’absence de cet officier ou de son délégué. Cette défense était sanctionnée par la confiscation et la peine capitale. — C’était ne pas y aller de main morte ! — Les biens des corporations passèrent entre les mains du Roi ; telle dut être pour toutes la conséquence de leur dissolution, et nous avons la preuve qu’en exécution de son ordonnance, Charles VI confisqua la Grande-Boucherie. Mauvaise affaire ; à cause des charges, il se vit obligé de la rendre aux bouchers, au bout de cinq ans, en 1388. Les autres communautés, elles aussi, ne tardèrent pas à se reformer[2].

De tout ce qui précède, il résulte que, dans la suite des rapports entre le régime monarchique et le régime corporatif, même en sa première période, il y eut bien des vicissitudes et, comme on dit vulgairement, des hauts et des bas. C’est, en

  1. Ordonnances des rois de France, VI, 686.
  2. G. Fagniez, ouvr. cité, 54.