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toutes parts. Le gouvernement, qui est son organe, tombe de faiblesse en faiblesse, de capitulation en capitulation. Les droits des citoyens se dressent devant lui, contre lui, avec une arrogance croissante, comme s’ils étaient les seuls respectables. Le jour où un ministère, après avoir fait des réserves de principe sur la légitimité des syndicats d’instituteurs, a toléré la survivance de ceux qui existaient jusqu’au moment où une loi organique réglerait définitivement la question, il a été facile de prévoir ce qui arriverait bientôt. Le seul moyen de parer au danger aurait été de faire tout de suite la loi dont on a beaucoup parlé, et qui aurait donné aux fonctionnaires un statut garanti contre les caprices et les passe-droits. Mais rien de tel n’est venu, et on peut, en parodiant un mot célèbre, dire du gouvernement actuel qu’il a toujours été en retard d’une idée, d’une année et d’une loi. Ses hésitations et son inertie ont laissé le champ libre aux autres. Il s’était donc formé un Comité d’études des associations de fonctionnaires, qui s’était précisément donné pour mission de préparer un projet ou un contre-projet de loi destiné à entrer dans la discussion parlementaire au même titre que celui du gouvernement, ou même à un titre supérieur, car les fonctionnaires ont la prétention de savoir ce qui leur convient beaucoup mieux que personne. Le. Comité d’études a fait jusqu’à présent peu parler de lui ; on pouvait croire que, pour répondre à son nom, il étudiait, il travaillait ; en réalité, il était en butte à des suggestions de plus en plus actives qui, après avec usé les résistances ou s’en être débarrassé, ont transformé subitement sa physionomie. On a appris un jour qu’il avait vécu sous sa première forme, sous sa première dénomination, et qu’il était devenu désormais une Fédération nationale de tous les fonctionnaires. Nous avons parlé de résistance ; il y en a eu, en effet, de très honorables et qui se sont montrées finalement irréductibles. Le président même du Comité d’études, M. Demartial, a donné sa démission et il a été suivi dans sa retraite par plusieurs autres. La majorité qui s’est prononcée pour la transformation du Comité en Fédération n’a pas été forte : mais elle est restée maîtresse du terrain, et il faudrait le pire des aveuglemens, celui qui ne veut pas voir, pour méconnaître les dangers de l’opération.

Ces dangers, la Fédération nationale s’est appliquée à les dissimuler, à les masquer, en se donnant des statuts d’une apparence modérée. De quoi s’agit-il, à l’entendre ? De créer modestement « un organisme permanent capable de défendre tous les intérêts généraux des fonctionnaires. » Mais comment les défendra-t-il ?