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de cette sédition de 1306, soit peut-être un peu avant, Philippe le Bel abolit les confréries religieuses, prolongement des corporations de métiers. Par mandement royal du mercredi après Quasimodo 1305, il avait interdit, dans Paris, « aux personnes de toute classe et de toute profession, les réunions de plus de cinq personnes, publiques ou clandestines, pendant le jour ou la nuit, sous n’importe quelle forme ou quel prétexte[1]. » Sans doute la mesure paraît n’avoir été qu’occasionnelle, puisque, dès le 13 octobre 1307, le même prince autorise à nouveau les marchands de l’eau à célébrer la fête annuelle de leur confrérie et que, le 21 avril 1309, après enquête, û rétablit celle des drapiers. Toute méfiance ne fut pourtant pas dissipée : les successeurs de Philippe le Bel recoururent aussi quelquefois à cette précaution de l’enquête et mirent généralement pour condition au rétablissement d’une confrérie que les réunions auraient lieu en présence d’un délégué du prévôt de Paris[2]. Mais non point seulement à Paris. Des exemples de Brive (1257), de Figeac, de Louvres-en-Parisis (1270), de Saint-Martin-de-Tours (1305), montrent qu’au XIVe siècle, et même déjà au XIIIe, les confréries furent suspectes au pouvoir royal. Elles ne l’étaient guère moins à l’Eglise (conciles de Toulouse, 1229, de Montpellier et d’Arles, 1234, de Valence, 1248, d’Avignon, 1281 et 1326). Quoiqu’il ne faille rien exagérer, on voit donc bien que, même aux plus beaux jours, ce n’est pas la pure idylle, la paix parfaite, l’ordre français imperturbé. Et cela se gâte, à mesure qu’on avance dans ce XIVe siècle si profondément déchiré, en de certains momens si révolutionnaire ou si anarchique. « Cinquante ans après l’émeute de 1306, on voit, en effet, les corps de métiers engagés dans le parti d’Etienne Marcel et formant une véritable armée à ses ordres. Le 22 février 1358, il réunit 3 000 de leurs membres, en armes, à l’abbaye de Saint-Eloi. C’est cette foule qui massacra Regnaut d’Acy et d’où sortirent les meurtriers des maréchaux de Champagne et de Normandie. » Un des historiens que nous suivons remarque à ce sujet : « La population laborieuse, qui obéit, en 1306, à un mouvement tout spontané, agit ici, au contraire, avec une discipline et un ensemble qui s’expliquent certainement par le système d’associations où elle était comme enrégimentée. » Voilà qui nous intéresse

  1. Fagniez, ouvr. cité, p. 52.
  2. Entre autres, Philippe le Long. Voyez Luchaire, Manuel, p. 369.