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d’icebergs tributaires de 25 à 45 mètres de haut, tandis que, sous le choc du sillage, les icebergs dérangés laissaient tomber d’énormes pans en bruyans éboulemens. L’expédition passa l’hiver de 1908-1909 sur les bords du Sound Mc Murdo, à 32 kilomètres au Nord des quartiers de la Discovery. En automne, une escouade, dans l’île de Ross, fit l’ascension du Mont Erebus, et en releva les différens cratères, garnis à l’intérieur de bits de gros cristaux de feldspath et de pierres ponces. Au printemps et durant l’été 1909, trois groupes rayonnèrent de la station. Le premier se dirigea vers le Sud et parvint à la latitude la plus méridionale que l’on ait jusqu’ici atteinte ; le deuxième gagna, ce qui n’avait pas encore été fait, le pôle magnétique austral, et le troisième explora les chaînes de montagne situées à l’Ouest du Sound Mc Murdo. L’escouade du Sud, composée de quatre hommes, Shackleton, Marshall, Adams, Wild, planta le pavillon britannique au 88°. 23’ de latitude Sud, à 169 kilomètres du Pôle Sud, sur une plaine de neige à plus de 3 000 mètres de hauteur, et par un froid de 30 degrés. Elle constata en outre l’existence d’une immense chaîne de montagnes. Mais la vaste étendue de glaces flottantes, en passant le cercle polaire, aurait été morne, si elle n’avait été animée par le pétrel antarctique aux zones brunes et blanches, le pétrel des neiges d’un blanc pur, les phoques et surtout par la multitude des pingouins se tenant sur le bord des icebergs, et qui représentent ici la civilisation. Par leur conformation générale, leur physionomie triangulaire et problématique, les Pingouins-Empereur ressemblent à des caricatures de l’espèce humaine. On les dirait vêtus d’un domino ou d’une sortie de bal de carnaval. Ils ignorent ce que c’est que l’altruisme ; ils sont bavards, curieux, et très cérémonieux. Ils viennent de loin observer un automobile ou un homme. Les chiens excitaient particulièrement leur intérêt. Depuis leur première visite, il en venait des troupes tous les jours. Quand deux de ces troupes se rencontraient, elles se saluaient et échangeaient force civilités de l’aile et du col, puis chacun s’en allait, l’un suivant l’autre, tantôt d’un air dégagé, tantôt grave et avantageux en barytonnant, et en dodelinant de la tête. Les Empereur font des cérémonies remarquables, lorsqu’ils rencontrent d’autres Empereur, des hommes, ou des chiens. Avec des allures furtives, ils volent les pierres de leurs voisins pour faire leur nid. Ils aiment mieux les voler que de se donner la peine de les chercher, et, quand ils sont pris sur le fait par un pingouin honnête, ils font semblant de ramasser une miette ou une crevette imperceptible. Ils ont des jeux variés ; ils font du toboggan. Ils montrent un véritable instinct social et, semblables à de simples humains qui