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« confédération » expressément formée contre lui par des adversaires qu’il savait être des instrumens aux mains de la Russie !


Il a fait cela, nous le savons, par besoin d’argent, et par peur de perdre sa misérable couronne, dont toute sa « philosophie » n’était point parvenue à lui ôter le goût puéril. Mais ce n’est point chose impossible que, même à cette heure décisive de sa carrière, il ait encore gardé l’illusion de « préférer le devoir à l’honneur. » Peut-être s’est-il dit, une fois encore, que sa soumission aux volontés de Catherine lui permettrait d’opérer, dans un royaume de plus en plus réduit, les réformes qu’avait toujours rêvées son cerveau d’utopiste, — nous rappelant un peu le célèbre prisonnier qui, dans la tour de Pise, dévorait ses enfans pour leur conserver un père. Il est sûr que, toute sa vie, ce mauvais roi a honnêtement désiré le bien de son peuple, sauf à le sacrifier lorsque ses propres intérêts le lui commandaient. Et l’ouvrage de M. Nisbet Bain nous fournit des exemples nombreux non seulement de sa remarquable intelligence politique, qui ne saurait être niée, mais aussi des services qu’il a rendus à la civilisation polonaise, durant les périodes où il sentait sa couronne assurée sur sa tête. Si la grande majorité des Polonais, en 1792, se trouvaient d’accord pour vouloir sauver leur pays, s’ils disposaient d’une armée organisée et l’employaient à soutenir une « constitution » libérale et viable, les démarches assidues de leur roi n’avaient pas été sans contribuer à ce résultat. Les acclamations dont ils avaient salué Stanislas-Auguste, après le patriotique « coup d’État » du 3 mai 1791, avaient été aussi légitimes que devaient l’être leur mépris et leur haine des années suivantes.

« Le temps lui a manqué, nous dit son biographe, pour réaliser ses projets, et il n’avait pas non plus la stabilité de caractère qu’aurait exigée leur réalisation : mais ses projets, en soi, étaient bons, et auraient mérité de réussir… Par-dessus toutes choses, il voulait rendre la Pologne forte et indépendante ; mais il prévoyait que la poursuite de cet objet devait être, tout ensemble, graduelle et secrète. Une période préliminaire de dépendance à l’égard de la Russie lui apparaissait comme pouvant devenir une période de discipline et de renaissance intérieure. » Personne n’avait mieux vu, ni plus courageusement exposé les suites funestes de cette alliance éphémère avec la Prusse qui, dans l’esprit de ses promoteurs allemands, n’était destinée qu’à attirer sur la Pologne le mauvais vouloir de la Russie. Et quant aux améliorations pratiques introduites, sous le règne de Stanislas, dans