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Vous fûtes les plus purs des saints et les meilleurs
Peut-être, vous dont tous ignorent le supplice,
Dont les tombeaux cachés n’ont ni palmes ni fleurs,

Je vous proclame heureux pour votre sacrifice,
Accompli dans l’angoisse et dans l’obscurité,
Je vous salue au nom divin de la justice,

Vaincus d’un jour, témoins de l’immortalité !


EN NOVEMBRE


Au cloître Notre-Dame et sur les quais du Louvre,
Le feuillage qui tremble a la couleur de l’or ;
Que m’importent le ciel éteint, le vent qui mord
Et le brouillard dont l’eau fugitive se couvre ?

Voici déjà les fins cristaux que le gel ouvre
Sur les gazons flétris. L’été splendide est mort,
Mais comme un martinet rapide, au prompt essor,
Mon âme vole et devant moi l’horizon s’ouvre…

L’Orient refleurit : au-dessus des palmiers,
S’élève palpitant un essaim de ramiers,
Lys ailés tournoyant dans l’air aromatique.

Je vais loin de la nuit brumeuse de l’hiver,
Entre les hauts piliers d’un temple au blanc portique,
Contempler le sourire infini de la mer.


L’ADIEU


Le soir viendra, soir de ma vie ardente et brève ;
Malgré le beau soleil, déjà je le pressens :
Il me faudra bientôt m’éveiller de mon rêve.

La brume sur les flots monte comme un encens ;
Vous remplissez mon cœur d’une secrète angoisse,
Charmes des bois jaunis et des jours finissans.

Se peut-il que déjà l’ombre effrayante croisse ?
Une étrange splendeur plane dans l’air plus frais,
L’herbe sèche frémit sous mon pied qui la froisse.