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ramenait sur le rivage meurtries, flétries, désenchantées, mais repentantes, suppliantes, implorant la clémence du légat du Pape pour leur concilier la miséricorde de Dieu et l’estime des, hommes. Ces rares défections ne peuvent ternir la gloire des communautés de femmes telles que nous les a montrées la Révolution. Il semble même que leur exemple, en nous rappelant que leurs compagnes fidèles étaient aussi des créatures humaines, qu’elles n’avaient pu se maintenir à ces hauteurs sans élan et sans combat, donne plus de prix encore à leurs vertus. Des deux groupes, quel est celui qui eut la meilleure destinée ? L’un, très peu nombreux, vient de succomber à des affections humaines, dont plusieurs coupables ; l’autre, formé de l’immense majorité, a répété avec une religieuse du Nord, Marie-Félicité Salis : « J’ai fait, il y a vingt ans, ma profession en connaissance de cause dans toute la joie de mon cœur. Présentement que j’ai éprouvé de toute manière la fidélité, l’amour, la magnificence même de mon époux Jésus au-delà de ce que je pouvais penser et espérer, je voudrais avoir dix mille vies pour les lui sacrifier de nouveau et consacrer à son service. » Celle-là et la presque généralité de ses compagnes n’avaient pas voulu, comme quelques fugitives, changer d’époux. On peut affirmer sans crainte qu’avec l’honneur le bonheur fut à elles, et que par leur conduite les communautés de femmes, sous la Révolution, écrivirent pour l’Eglise catholique une des plus belles pages de son histoire.

En pleine tourmente, quand déjà l’altitude des religieuses est assez prononcée pour marquer leur résolution, leur fermeté inébranlable, un juge autorisé entre tous, M. de La Luzerne, évêque de Langres, leur rend cet éclatant hommage que doit ratifier la postérité :


Vierges chrétiennes, dont le courage héroïque vient de donner au ciel un si beau spectacle, à la terre de si grands exemples, nous avons entendu l’impiété, du lieu élevé où elle proclamait le schisme, se vanter que vous seriez ses premières conquêtes ; nous la voyons aujourd’hui frémir de l’impuissance de ses efforts et de l’anéantissement de ses espérances. Tandis que tout tremblait, que la terreur imprimée par ses premiers succès glaçait tous les esprits, Dieu s’est montré comme aux jours de l’établissement de sa religion. Il a choisi ce que le monde a de plus faible, pour confondre ce qu’il avait jamais eu de plus fort. Femmes aussi fortes que la célèbre libératrice de Béthulie, vous êtes comme elle la gloire de Jérusalem ; vous êtes l’honneur de votre peuple. Puisque vous avez su donner aux hommes