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timide qu’il fait comparaître devant lui en secret, sans témoins, toute tremblante, pour lui signifier qu’elle est libre de partir, pour lui expliquer les avantages qu’elle a à le faire, les dangers qu’elle encourt en persistant. Malgré cette pression, la généralité des religieuses resta inébranlable. Sur ce point, les chiffres de la statistique, sans être complets, sont assez nombreux pour nous apporter une preuve mathématique.

On leur fait expier cette fidélité par mille tracasseries, en attendant qu’on les expulse. Pour ne pas quitter leur couvent, elles se soumettent aux lois de la Constituante qui ne blessent pas leurs consciences. Elles vont jusqu’à accepter de refaire, d’après la loi, en présence de l’officier municipal, l’élection pour deux ans de la supérieure. C’était chez elles un pieux usage de renouveler leurs vœux à la fête de la Présentation, le 21 novembre. Des districts leur interdirent, dès 1790, cette cérémonie, invoquant le décret de l’Assemblée qui avait supprimé les vœux. Comment s’étonner de cette intrusion dans la vie intérieure des couvens, lorsqu’on voit des municipalités faire défense aux prêtres d’être encensés au service divin, sous prétexte que l’encens n’était dû qu’à la divinité ?

L’affaire du costume créa plus de difficultés que celle des vœux. Nous avons vu que la Constituante avait légiféré sur ce point comme sur tant d’autres. C’était là soulever pour le présent et pour l’avenir une question délicate, dont la solution dépend des temps et des lieux. Faut-il, au point de vue catholique, demander toujours et quand même la conservation du costume religieux ? En particulier, au sujet des ordres plus ou moins mêlés à la société, n’y a-t-il pas quelque inconvénient pour des hommes appelés à vivre avec les hommes à s’en distinguer par un habit qui peut être une barrière autant qu’une sauvegarde ? Peut-il y avoir pleine communication entre deux interlocuteurs, si un vêtement extraordinaire vient avertir le civil que celui qui le porte doit avoir une façon toute spéciale de penser et d’agir ? Sans trouver dans la diversité du costume, comme le diront avec une emphase ridicule certains orateurs de la Révolution, un « attentat contre l’unité du contrat social, » ne fait-il pas à la longue disparate sur le plan égalitaire d’une démocratie niveleuse ? Dans cet ordre d’idées ne pourrait-on pas appeler en témoignage l’exemple même des fondateurs les plus illustres, un François d’Assise, un Vincent de