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revenu administré avec économie suffit à notre frugalité. » Avec les ressources les plus limitées, elles élèvent de soixante à soixante-dix pensionnaires, et, dans leurs classes des externes, de cent à cinquante élèves.

En face du scandale d’abbayes de moines opulentes et vides, voilà d’humbles filles qui ne coûtent pas un centime à l’État, qui vivent de rien et qui font des prodiges dans deux services publics de capitale importance. L’État, la Constituante, ou les Assemblées qui suivront, vont-ils avoir la cruauté de leur montrer la reconnaissance de la France en les expulsant ?

Tous les ordres monastiques viennent de défiler devant les municipalités et, par les procès-verbaux dressés, par leurs mémoires, devant la Constituante. Chacun d’eux a exprimé ses sentimens, ses vœux avec sincérité, parfois avec angoisse ; chacun d’eux a vanté les services qui pouvaient le mieux lui attirer la bienveillance d’une assemblée souveraine. Ils sentaient qu’elle tenait leur sort entre ses mains. Le langage tenu a toujours été calme, modéré, plutôt humble. Nous y aurions voulu de temps en temps plus de crânerie. Nous aurions aimé entendre ces religieux, ces religieuses revendiquer plus souvent, plus hautement comme un droit, au nom des principes tout frais encore de 1789, la faculté de vivre comme ils l’entendaient, réunis ou séparés, au lieu de paraître la solliciter comme une concession et une faveur. Au demeurant, le ton modeste, convaincu, des religieuses était bien fait pour gagner leur cause, si elle avait pu l’être. Mais elles parlaient à des juges décidés à abattre toute corporation, à piller l’Église pour remplir le Trésor vide, à faire passer dans les lois les idées du XVIIIe siècle. Comment n’être pas battu, quand on a contre soi la politique, la philosophie et la finance, ayant à leur service la force ?


V

La Constituante n’a pas tardé à faire comprendre aux religieuses le cas qu’elle faisait de leurs plaidoiries. Le second interrogatoire ordonné par elle leur a dit assez clairement qu’elle n’était pas contente des résultats du premier, et qu’elle voulait des déclarations de départ. Quelques sœurs intimidées ont été jusqu’à parler dans son sens et à rétracter leur précédente résolution. On comprend l’influence d’un magistrat sur une Sœur