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d’apparaître gauches, inexpérimentés, étrangères, et aussi dénuées, abandonnées. Ces considérations n’avaient pas échappé pendant la Révolution aux défenseurs des Congrégations religieuses, et nous devons les avoir présentes à l’esprit pour comprendre leurs déclarations.

Prêtons un instant l’oreille à ces voix étrangères à toutes les passions humaines, et qui vont nous faire entendre du fond de leurs cloîtres un langage supérieur à celui de la terre.

On ne s’étonnera pas de constater tout d’abord dans les couvens des alarmes et une émotion extraordinaires. Bien qu’à cette époque, on ne jouît pas des moyens d’information rapides que nous ont donnés le télégraphe et les chemins de fer, les premières mesures prises par l’Assemblée nationale n’avaient pas tardé à porter dans le cloître l’anxiété et la désolation. Qu’on n’oublie pas qu’on n’avait pas encore connu les bouleversemens que notre France traverse depuis plus de cent ans, et qu’on entrait en toute sécurité dans les monastères avec la double protection que leur assuraient l’Eglise et l’Etat. Comme l’écrivent les religieuses de Fontevrault, du diocèse de Riez, elles se croyaient dans leur « cloître à l’abri des Révolutions. » Et voilà qu’arrivent jusqu’à leur solitude des nouvelles de plus en plus sinistres et qui les bouleversent. Les décisions de la Constituante causent aux Clarisses de Pont-à-Mousson de « cruelles incertitudes qui nous rendent, disent-elles, la vie plus pénible que la mort. » On laisse encore ces sœurs dans leurs couvens, mais on a suspendu l’émission des vœux. Des novices qui étaient à la veille de les prononcer ne cessent de pleurer et parlent d’envoyer une adresse à l’Assemblée nationale.

Mesure plus grave : des profanes, des agens municipaux, investis d’un mandat de la Constituante, vont bientôt se présenter à la porte du cloître que la clôture rendait jusqu’alors inviolable, que nul ne franchissait sans la permission de l’évêque. Ils vont venir enquêter, faire à la fois l’inventaire des corps et des âmes. Les communautés de femmes se prêtèrent aux investigations des municipalités avec la docilité que rencontrèrent partout les pires mesures de la Révolution. Nous trouvons à peine quelques cas de résistance.

Une altière supérieure, la prieure de Fontevrault à Blessac, qui signe de Courthille de Saint-Avit, malmène, dans une lettre à la Constituante, « son maire qui ne sait point écrire et encore