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d’Albanie leur apparut de plus en plus à mesure que leur renaissance économique et maritime leur rendit confiance en l’avenir de leur pays. « Les intérêts et les droits de l’Italie dans l’Adriatique, disait le 8 juin 1901 M. de Marinis, futur ministre des Affaires étrangères, dépendront de l’avenir de l’Albanie. Celui qui sera en possession du port de Avlona, deviendra le maître incontesté de l’Adriatique. » A mesure que les Italiens perdaient leurs espérances d’expansion en Afrique, le littoral albanais, qui fait face à leurs côtes, prenait à leurs yeux plus d’importance, et ils s’efforçaient avec succès d’y développer leurs intérêts.

Au contraire de l’Autriche, l’Italie souhaite la formation d’une Albanie forte et autonome, qui, espère-t-elle, lui emprunterait sa civilisation. Le commerce de l’Italie dans les ports albanais, le nombre et le tonnage de ses bateaux ont beaucoup augmenté ; ils restent cependant très inférieurs aux chiffres correspondans du commerce autrichien. Beaucoup d’entreprises italiennes se sont fondées dans les ports de la côte : les petits bateaux du lac de Scutari appartiennent à une compagnie italienne. Dans les écoles italiennes, le mot d’ordre est de développer le patriotisme albanais. Dans le vilayet de Janina surtout, les progrès de l’influence et des intérêts italiens sont considérables ; ils alarment les Grecs, si bien que les Italiens redoutent une entente entre Vienne et Athènes. En juin 1906, le Courrier des Balkans, qui paraît à Rome, lança un « canard » sensationnel, le texte d’un traité secret entre l’Autriche et la Grèce pour un partage d’influence en Albanie ; le Skumbi aurait marqué la limite des sphères d’influence, et, en cas de dislocation de l’Empire ottoman, la frontière des zones annexées ; l’Italie aurait été exclue ; le journal faisait appel à son intervention pour sauver les droits des Albanais. Si invraisemblable qu’elle fût, cette nouvelle souleva une vive émotion en Italie.

Les projets de chemins de fer, dont on a tant parlé après le discours du baron d’Æhrenthal, en janvier 1908, firent éclater avec plus d’évidence encore les divergences d’intérêts entre les deux alliées. L’Italie est d’accord avec la Serbie pour favoriser la construction de la ligne du Danube à l’Adriatique qui ouvrirait à son commerce de nouveaux débouchés ; elle désire la réalisation de tous les projets de chemins de fer ou de routes qui rouvriront les voies par où passèrent, jadis, le commerce et les armées de Rome. L’Autriche, au contraire, n’a pas intérêt au