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L’Albanais accepte de toutes les mains, mais il ne se vend à personne. C’est un consul d’Autriche qui s’écriait, dans un jour de découragement : « Rien ne saurait satisfaire les exigences insatiables de cette race et de ses pasteurs ! » Tout l’or de Vienne ne parviendrait pas à dissiper les antipathies qu’inspire aux Albanais la raideur bureaucratique des agens autrichiens, ni la défiance qu’a fait naître, surtout chez les musulmans, l’annexion de la Bosnie. N’exagérons rien cependant ; plusieurs tribus Malissores sont devenues de véritables bandes au service de l’Autriche ; sur un signe de son consul, 3 000 montagnards pourraient descendre dans la ville et commencer une rébellion, si la politique de Vienne en avait besoin. A la fin de décembre 1908, dans une réunion tenue dans la montagne, sous la présidence de Prink Pacha, on parla de la guerre qui paraissait alors menaçante. Les Mirdiles et les Kthellas se déclarèrent prêts à marcher, sous les ordres de leur chef, contre l’ennemi de l’Empire ottoman, quel qu’il fût ; mais les Malissores s’écrièrent qu’en aucun cas ils ne se battraient contre les soldats de leur père et bienfaiteur l’empereur François-Joseph ! Dans son numéro du 2 septembre, la revue militaire autrichienne Danzers Armée Zeitung conseillait d’organiser une sorte de légion albanaise sur le modèle de la légion étrangère française, qui servirait d’instrument pour le triomphe de la politique autrichienne dans les Balkans et pour la marche sur Salonique.

Ainsi, la politique officielle de l’Autriche est toute de « pénétration pacifique, » d’influence commerciale ; mais, sur place, elle a des agens trop zélés ou moins discrets ; c’est là ce qui, en Italie, provoque tant d’inquiétudes.

Même aux plus beaux temps de la Triple Alliance, la question balkanique et, plus particulièrement, la question albanaise ont été, entre Vienne et Rome, une source de difficultés, un objet de négociations difficiles. On s’entendit sur la base du statu quo et, si un jour il devenait impossible, sur l’autonomie fondée sur le principe de la nationalité : c’était réserver, le cas échéant, l’indépendance de l’Albanie. A l’entrevue de Venise, en 1904, entre M. Tittoni et le comte Goluchowski, il fut question de la délimitation éventuelle de l’Albanie ; l’Autriche reconnut qu’une partie des vilayets de Monastir et de Kossovo en devrait faire partie. Ces précautions ne suffisaient pas à dissiper les alarme* des Italiens. L’importance capitale de la question