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Le retour de Prink Pacha, le 19 septembre, apaisa momentanément les esprits ; il arrivait, après avoir conféré à Salonique avec les chefs du Comité Union et Progrès, comme le porte-parole du nouveau régime. Sa première visite fut pour le consul de France, M. Ferté ; puis il partit pour la Mirditie avec Kiazim bey, pour y faire prêter serment à la Constitution ; mais il refusa d’accepter le titre et les fonctions de caïmakan : on ne devient pas sous-préfet quand on est prince héréditaire ! Cet acte décisif donna aussitôt à son loyalisme jeune-turc son véritable caractère. Dans les premiers jours d’octobre 1908, la vallée de San Paolo, près d’Orosi, retentit du bruit des acclamations et de la fusillade. Toute la population mâle de la Mirditie fêtait son chef. A sa demande, en présence de deux officiers du Comité, les Mirdites prêtèrent serment à la Constitution ; aucune allusion ne fut faite à la question du service militaire, ni à l’abolition de la « loi des montagnes ; » la suspension de toutes les vendettas fut jurée jusqu’au mercredi saint de l’année suivante. Prink Pacha continua son voyage triomphal par le district de Croya dont les quatre tribus ne consentirent à jurer fidélité au nouveau régime qu’entre ses mains. L’influence et la popularité de l’héritier des Bib-Doda, vivante incarnation de la patrie et des coutumes albanaises, allaient grandissant non seulement parmi les catholiques des tribus et de la ville, mais jusque parmi les musulmans de la montagne. Les campagnards venaient lui soumettre leurs litiges plus volontiers qu’aux autorités ottomanes. À ces hommages à sa haute autorité morale répondaient les défiances haineuses des musulmans de la ville ; ils craignent que le nom de Prink Pacha ne puisse un jour rallier et coaliser toutes les tribus de la Haute-Albanie. En novembre, le Comité panalbanais de Constantinople, à l’instigation du Comité jeune-turc, adressa un appel à la population pour l’inviter, en face de l’agitation monténégrine et serbe, à ressusciter la Ligue albanaise de 1879 ; trois mille musulmans se firent inscrire, mais les catholiques s’abstinrent. La popularité même de Prink Pacha, malgré la loyauté de son attitude, le rendait suspect au Comité et, par un naturel retour, cette suspicion blessait le prince des Mirdites dont la situation, entre le particularisme nationaliste de son peuple et la politique centralisatrice des Jeunes-Turcs, devenait de plus en plus difficile.

Aux élections, en décembre, deux députés musulmans furent