Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Seize ans plus tard, sous la Terreur, au fond du noir cachot qu’il ne devait quitter que pour la guillotine, le confident et le collaborateur de Turgot, Malesherbes, méditait sur les événemens de sa vie. Avec ce détachement et cette clairvoyance supérieure que donnent aux âmes élevées l’attente prochaine et la certitude de la mort, voici comment il appréciait les faits dont on vient de lire le récit[1] : « M. Turgot et moi, nous étions de fort honnêtes gens, très instruits, passionnés pour le bien. Qui n’eût pensé qu’on ne pouvait mieux faire que de nous choisir ? Cependant nous avons très mal administré. Ne connaissant les hommes que par les livres, manquant d’habileté pour les affaires, nous avons laissé diriger le Roi par M. de Maurepas, qui ajouta toute sa faiblesse à celle de son élève, et, sans le vouloir, nous avons, par nos idées mêmes, contribué à la Révolution. » Je ne saurais, au bas de la présente étude, inscrire une meilleure conclusion que ce mélancolique aveu.


MARQUIS DE SEGUR.

  1. Fragment d’une lettre de Malesherbes adressée à l’un de ses amis. — Collection de M. Gustave Bord.