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bras en désordre, étendus vers de montagneux horizons. Deux chèvres passent d’abord, que leur chevrier suit en chantant. Survient Chiquito, puis Pantchika, son amie, portant des fleurs qu’elle suspend aux pieds d’une Madone, fixée elle-même au tronc d’un chêne. Bientôt, l’un près de l’autre assis, les amoureux se rappellent et nous racontent leurs amours, leurs chagrins aussi, car la mère et le frère de Pantchika veulent pour elle un plus riche fiancé que Chiquito, le pauvre « pelotari. » Propos accoutumés, baisers et sermens d’être unis, fallût-il pour cela fuir ensemble, là-bas, « aux Amériques, » au pays du rêve éternel des fils aventureux de la vieille Euskarie.

Second acte. Au village, un dimanche. Dans le fond, le porche de l’église et la « place » du jeu de pelote à côté. Sortie des vêpres, aux accens inévitables de l’orgue ; seconde rencontre des fiancés et nouvel entretien d’amour, que vient rompre Eshkerra, le frère mauvais et brutal. Une querelle, puis une bataille s’ensuit entre les deux jeunes hommes. Un vieux du pays, l’oncle de Pantchika, je crois, les sépare. Plutôt que le couteau, pour une plus noble lutte, qu’ils prennent donc la balle et le gantelet d’osier. Mais, dans la main traîtresse d’Eshkerra, la balle même sera meurtrière. Il vise à la tempe son ennemi ; l’abat d’un coup terrible et s’enfuit ; non pas toutefois sans que Pantchika, folle de douleur, et qui le vit frapper, ose le dénoncer devant tons.

Fugitive à son tour, — c’est le troisième acte, — elle revient au maternel logis. Eshkerra n’y a point reparu. Mais le voici qui rentre, farouche, le cœur encore gros de sa haine plus forte que la mort. En famille, comme tout à l’heure en public, Pantchika de nouveau l’accuse et le maudit. Cynique, il finit par avouer son crime, par s’en vanter même, lorsque des pas, des cris se font entendre. La foule et les gens de justice (un maire et deux gendarmes) ont poursuivi le meurtrier. Il se cache, et sa mère, interrogée, refuse de répondre. Sa sœur, elle aussi, commence par se taire. Mais une ruse, infaillible et classique, renouvelée du Cid et de Francillon, va triompher de son silence : « Chiquito n’est plus, — Misérable ! » s’écrie l’amoureuse, et d’un geste involontaire autant qu’irrésistible, elle désigne la cachette d’Eshkerra. On le saisit, on l’emmène, et la mère, qui n’aimait que son fils, le venge, en mettant à la porte sa fille, par laquelle il fut livré.

Quatrième tableau. Pantchika, de désespoir, a voulu « se périr. » Sauvée des eaux, portée au couvent voisin et croyant son Chiquito mort, elle va mourir elle-même. Ce ne sera pas, vous le devinez, sans l’entrevue et le duo suprême, après les ménagemens d’usage, avec les réminiscences obligées, les rêves d’avenir, et ce « mieux, »