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gouvernement[1]. Là-dessus les sommes prélevées pour l’Instruction publique sont minimes : moins du dixième de ce que l’on dépense pour la police (gendarmerie non comprise). L’Etat dépense 4 kopecks par habitant, alors qu’en Russie même il compte de 9 à 30 kopecks. Le budget pour le Royaume est seulement de 6 millions de roubles, tandis qu’il est de 178 en Galicie, dont la population est moins forte. L’Assistance publique est nulle, le Crédit agricole paralysé, l’enseignement technique presque interdit. La Pologne, qui pourrait fournir les plus grandes ressources à l’Empire, est épuisée par le régime que lui impose la bureaucratie et qu’on appelle là-bas « le régime allemand, » ce qui n’est point sans inquiéter ceux qui s’intéressent aux finances russes.

Non seulement le pays est obéré et mal exploité, mais les ressources intellectuelles, qui sont partout le plus précieux capital, sont inutilisées, détournées de toute application pratique, confinées. Les Polonais réclament le droit à une culture nationale, en faisant valoir non seulement des sentimens patriotiques, mais des besoins économiques. Tous les partis le sollicitent ; même les réalistes tels que MM. Spadowicz et Piltz qui préconisent la plus entière soumission, et tous sont d’accord pour demander l’autonomie de l’instruction publique avant celle de l’administration. La Russie ne peut « s’obstiner à refuser aux Polonais ce qu’elle-même a eu l’honneur d’obtenir à tant de sujets chrétiens de la Porte. » Un gouverneur général, le prince Imertynsky lui-même, a écrit qu’on n’obtiendrait rien si l’on défendait à l’enfant de parler sa langue maternelle et si on le forçait à n’apprendre que le russe. En outre, sous la pression de la Censure, « l’Intelligence » qui ne demanderait qu’à s’employer à l’exploitation la plus rationnelle des richesses nationales, est rejetée aux partis désespérés. Des écrivains d’un talent puissant et fécond[2] ont dû se réfugier en Galicie, qui est devenue le cerveau centralisateur de la Pologne, ce qui est cause que, par le système de la

  1. Sur tous ces points il est important de lire l’ouvrage de M. Roman Dmowski, La Question polonaise, Colin, 1909, que vient de traduire M. Gasztowtt.
  2. Il n’y a encore aucun livre d’ensemble sur la magnifique littérature contemporaine des Polonais, sur les Kraszewski, les Sienkiewicz, les Prus, les Jez, les Swientochowski, les Zeromski, les Reymont, les Orszeszko, les Rodiziewicz, les Siervozeski, les Wyspianski, les Danilowski, les Kosprowicz, les Tesmayer, etc. Sur la littérature antérieure on doit lire le beau livre récent, si élevé et si érudit, de M. Gabriel Sarrazin, les Grands poètes romantiques de la Pologne ; Perrin.